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Les femmes savantes – Mise en scène de Denis Marleau aux Fêtes Nocturnes du Château de Grignan par Angélique Lagarde

Posté par angelique lagarde le 11 juillet 2012

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Les femmes savantes © Claire Matras

Les Femmes Savantes
De Molière
Mise en scène de Denis Marleau
Collaboratrice artistique : Stéphanie Jasmin
Avec la compagnie Ubu et la comédienne Muriel Legrand
Jusqu’au 18 Août au Château de Grignan dans le cadre des Fêtes Nocturnes

BB et Jackie O sont-elles des femmes savantes ?

Pour cette 28ème édition des fêtes nocturnes de Grignan, le département de la Drome accueille le québécois Denis Marleau accompagné de sa collaboratrice artistique Stéphanie Jasmin et de sa désormais célèbre compagnie Ubu. Le metteur en scène a choisi de traduire cette mise à mal des carcans de la bourgeoisie disputés par des femmes de lettre en transposant l’intrigue des Femmes Savantes de Molière dans les années 1950. Pari osé… Pari réussi !

La façade du château de Grignan constitue toujours le fond de scène des représentations, belle contrainte qui se prêta à merveille à l’Hamlet de Shakespeare (dans la mise en scène de Jean-Luc Revol avec Philippe Torreton dans le rôle-titre) et qui aujourd’hui est l’écrin idéal pour Les Femmes Savantes de Molière. Denis Marleau a de surcroît choisi de conserver le petit bassin de pierre qui était couvert pour Hamlet et fait ici office de piscine du jardin de ces dames et confère à cette représentation d’une famille bourgeoise en villégiature, une atmosphère toute “pagnolesque”.

Henriette, dans une charmante robe vichy, très BB dans la pause et la diction, ouvre la pièce par sa volonté affichée de se marier. La comédienne belge, Muriel Legrand qui a rejoint la troupe pour l’occasion, mènera son personnage avec élégance jusqu’au bout de la représentation et jusqu’à ses fins ! Elle aura face à elle une soeur dont l’argument fait la beauté et qui n’a sois-disant pas d’intérêt pour le corps. Cette Armande, joliment parée au premier acte d’un maillot de bain une pièce très en vogue à l’époque, trouve une tonalité très juste dans le jeu de Noémie Godin-Vignereau qui usera de sa grande expressivité pour nous transmettre le déchirement de la jeune femme entre passion et raison… L’objet de l’émoi des deux soeurs, peut-être non pas avoué mais pour sûre partagé n’est autre que le beau Clitandre. Si l’habit est parfaitement choisi, le jeu de François-Xavier Dufour fait preuve d’un respect absolu du texte mais n’offre que peu de caractère au personnage. Ceci dit, ici ce sont les femmes qui sont réputées savantes, or donc, quid des hommes ?

Parlons des hommes… Parlons de Chrysale, père connu pour sa “certaine volonté d’âme qui le soumet d’abord à ce que veut sa femme”. Henri Chassé interprète brillamment un César qui voudrait marier sa Fanny, mais César n’avait pas de Philaminthe, épouse tyrannique qui règne sur le foyer. Un élément masculin va néanmoins venir perturber les coutumes de ce petit microcosme matriarcal, c’est le frère de Crysale, Ariste qui vient se faire le porte-parole de Clitandre pour demander la main d’Henriette. Cet esprit éclairé, le seul qui puisse éveiller son frère lui rappelle que le pouvoir de sa femme n’est fondé que sur sa faiblesse. L’interprétation de Bruno Marcis offre au personnage une dimension (rarement aussi bien accentuée dans les mises en scènes), à la fois d’entremetteur, conseiller et philosophe, mais non pas bretteur comme… Trissotin ! Sublimé par la fascination des femmes, hormis Henriette, Carl Bichard, drôlissime, compose ici un parfait sophiste qui atteint son apogée dans le duel avec son confrère le poète Vadius campé par un Denis Lavalou très en verve et qui sera d’égal dans la scène de fin grandiose chez  le notaire.

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Les femmes savantes © Claire Matras

Faisons fi du suspense et révélons que Philaminthe et Bélise sont véritablement les grandes dames de cette comédie. Christiane Pasquier parvient à déployer sa remarquable palette de jeu pour nous dessiner cette maîtresse de maison qui use et abuse de son pouvoir et vient exulter dans son feu d’artifices de “quoi qu’on dit”. Quant à son extravagante soeur Bélise qui soupçonne tous les hommes d’être éperdument amoureux d’elle, elle n’aurait pu trouver meilleur interprète dans cette adaptation où Sylvie Léonard affiche une classe outre-atlantique, très proche de son personnage de Jackie O précédemment interprété pour Denis Marleau dans Jackie de Elfriede Jelinek.

Que serait une pièce de Molière sans ses serviteurs, serviteurs des maîtres mais avant tout serviteurs de la comédie ! Quand Estelle Clareton jette le vieux français de Martine à la figure de Philaminthe, c’est un vrai moment d’extase ! Puis c’est un parti pris étonnant mais ingénieux de Stefan Glaweski et Damien Heinich d’utiliser le visuel pour apporter un peu de magie et d’onirisme à l’humour. A propos de visuel, les projections laissent perplexe, on conçoit la symbolique des motifs de fleurs de lys, porcelaine et dentelle en guise de rideaux aux fenêtres, mais cet emploi de la vidéo, discret au demeurant, n’apparaît pas d’une grande pertinence.

Ce qui est en tous points remarquable dans cette mise en scène des Femmes Savantes de Denis Marleau et Stéphanie Jasmin, c’est le respect voire la sublimation du texte par cette transposition osée mais juste dans les années 50. Si l’on retrouve la satire des pédants plus intéressés par l’argent et le pouvoir que par les lettres, ce qui transcende cette adaptation c’est le juste traitement du tissu familial et de cet amour contrarié entre désir et raison.

Angélique Lagarde

Lire la rencontre avec Denis Marleau et Stéphanie Jasmin

Château de Grignan (Drôme)
BP 21 
26230 Grignan
TGV Valence ou Montélimar
Réservations au 04 75 91 83 65
ou sur internet : http://chateaux.ladrome.fr

 

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