Quand le diable s’en mêle d’après Feydeau au Théâtre de l’Aquarium
Posté par angelique lagarde le 19 septembre 2016
Quand le diable s’en mêle
D’après trois pièces de Georges Feydeau
Mise en scène de Didier Bezace
Avec Philippe Bérodot, Thierry Gibault, Ged Marlon, Clotilde Mollet, Océane Mozas, Lisa Schuster et Luc Tremblais
Vu aux Fêtes Nocturnes du château de Grignan en août 2015
Au théâtre de l’Aquarium jusqu’au 1er octobre
Un diable au château !
Didier Besace a choisi de présenter trois pièces de Georges Feydeau pour cette saison des Fêtes Nocturnes du Château de Grignan. Un choix applaudi par les habitués de ce rendez-vous théâtral incontournable. La belle façade renaissance est illuminée. Au-dessus de la porte d’entrée la lanterne brille de mille feux. Trois courtes pièces de Feydeau vont s’enchaîner : Léonie est en avance, Feu la mère de madame et On purge Bébé. Les comédiens vont nous entraîner dans une folle sarabande. Le diable sera de toutes les parties, sage femme, ou cocher.
La porte s’ouvre, un nuage de fumée apparaît et un homme en frac sort du château. Il est chapeauté d’un haut de forme et sa cape du soir est joliment doublée de rouge. Il porte un masque, celui de Georges Feydeau. Il met chapeau bas, retire son masque et nous découvrons une face grimaçante, des oreilles pointues et couronné par deux cornes. Le diable est au château !
Personnage central de Léonie est en avance, Léonie Toudoux est une jeune parturiente. Elle souffre, mais son époux, pour qui c’est également une première grossesse, est pris rudement à partie, par les cris et les lubies de sa jeune femme. Le pauvre homme devra supporter sa belle mère, une sage femme diablement autoritaire et son beau père de fort méchante humeur d’avoir dû abandonner sa partie de cartes.
Feu la mère de madame offre aux comédiens des répliques qui parlent à tous les vieux couples. Cette pièce fourmille de renseignements sur la vie de cette époque, et l’on dénote à quel point Feydeau était un auteur inscrit dans son siècle. Cette peinture de la petite bourgeoise est féroce. Notre Diable est présent bien sûr. La dernière réplique est un constat terrible sur l’âme humaine qui se repaît du malheur des autres.
On purge Bébé est un constat féroce cette fois-ci sur la vie d’un couple, sur les petits travers quotidiens où l’autre ne fait plus attention à son conjoint et oublie de faire des efforts. La pièce comporte plusieurs pépites, la recherche dans le dictionnaire des nouvelles « zébrides », Madame en bigoudis et bas flottant avec son seau de toilette à la main alors que son époux attend un précieux commanditaire. Clothilde Mollet campe cette bonne femme terrifiante dans son obsession de mère de la santé de son grand Bébé.
Sur le devant du château, se tient l’espace de jeu : un immense praticable, qui tient de la boîte à malice, muni de différents tiroirs remplis d’accessoires qui se transformeront au gré des pièces en marches, bureau, lit, etc. Ce dispositif scénique que Didier Bezace avait déjà utilisé, permet une grande souplesse et de maintenir le rythme du spectacle. S’il avait déjà monté Feydeau alors qu’il était le directeur du théâtre de la commune d’Aubervilliers, cette nouvelle mise en scène est une réjouissante réussite. Homme de troupe, il a réunit pour ce spectacle diablement drôle, de vieux complices comme l’inénarrable Clothilde Mollet, l’excellent Thierry Gibault ou encore Lisa Schuster qui après avoir été Léonie, est martyrisée par sa patronne dans Feu la mère de Madame. Hallucinée de fatigue, la pauvre bonne nous fait rire. Océane Mozas se révèle dans une dimension comique qui nous avait complètement échappée jusqu’alors, de même Ged Marlon est étonnant.
Didier Bezace est un grand directeur d’acteur. Il sait faire emprunter d’autres chemins à ses interprètes. Luc Tremblais, le pauvre Toudoux, le futur Papa est également une inattendue femme de chambre. Philippe Bérodot est un comédien de composition qu’il soit diable ou valet de pied son invention et sa présence enflamment la scène. Rien de plus naturel pour un diable. Lorsque le diable s’immisce dans le pain de ménage la crise n’est pas loin. Vues par Feydeau, mis en scène par Didier Bezace, ces trois variations sur la vie conjugale offrent une soirée follement et diaboliquement drôle.
Marie Laure Atinault
Théâtre de l’Aquarium
La cartoucherie
route du Champ de Manœuvre
75012 Paris
Réservations au 01 43 74 72 74