Teatro a Corte – coups de cœur 2016 et tournées – par Angélique Lagarde
Posté par angelique lagarde le 5 août 2016
Teatro a Corte
Le théâtre européen dans les demeures royales du Piémont
Au Théâtre Astra, dans les châteaux d’Agliè, Racconigi, Rivoli, Stupinigi et au Palais Royal de Venaria Reale puis dans six nouveaux lieux cette année : le Palazzo Madame, le Palazzo Lascari, le Polo del ‘900 et la Tresoria à Turin, la Villa il Meleto à Aglie et les jardins du château de chasse de Stupinigi.
Du 7 au 17 juillet 2016
Un cru exceptionnel
Quelle splendeur que cette nouvelle édition de Teatro a Corte, « le théâtre européen dans les demeures royales du Piémont » ! Plus condensée, elle s’est tenue sur deux week-ends avec une programmation exceptionnelle. Le premier week-end fut plus particulièrement orienté vers la danse et le cirque, tandis que le second, auquel nous avons eu la chance d’assister, a fait la part belle à l’illusion. Nous avons été séduits par la programmation, de la magie d’Étienne Saglio en ouverture jusqu’au bouquet final par le Groupe F au palais Royal de la Venaria Reale. Retrouvez ici nos coups de cœur pour des spectacles que vous pouvez encore découvrir en tournée, et surtout, un conseil, prenez vos places pour l’année prochaine ! Sachez que sous l’impulsion de son directeur très francophile, Beppe Navello, un grand nombre de compagnies françaises sont invitées à chaque édition et beaucoup de spectacles étant visuels (ou surtitrés), nul besoin de parler italien, espagnol ou anglais pour s’émerveiller !
Fantôme et Les Limbes par Étienne Saglio, cie Monstre(s)
Le petit prince de la magie nouvelle
Voir un spectacle d’Étienne Saglio devrait tout simplement être indispensable. Petit Prince aux cheveux bouclés et au sourire angélique, virtuose de la magie nouvelle, il a le pouvoir de donner vie aux rêves.
Le projet Fantôme a trouvé naturellement sa place au cœur de la programmation de Teatro a Corte puisqu’il a été conçu pour être in situ, c’est-à-dire recréé pour et dans un espace particulier à chaque représentation, dispositif qu’affectionne particulièrement et promeut le festival depuis sa création. Présenté au Palazzo Lascaris, superbe bâtiment du 17ème siècle, aujourd’hui siège du Conseil Régional du Piémont, il a fait l’unanimité parmi les festivaliers. Forme courte, répétée pour que les spectateurs puissent en profiter à petite jauge, elle place la magie nouvelle dans l’espace public avec pour seul outil une forme plastique qu’Étienne Saglio fait flotter en jouant de ses ondulations aquatiques. Différente à chaque représentation, cette petite pièce de magie est toujours accompagnée par des musiciens en direct qui varient au gré des tournées.
Première nationale, Les Limbes présenté au Teatro Astra, théâtre dirigé par Beppe Navello a ébloui l’assistance et particulièrement le public italien qui pour la plupart découvrait cette forme de magie nouvelle. Création très complète, Étienne Saglio l’a conçue avec la complicité de Rapahaël Navarro, référence de la magie nouvelle, Oliver Dorell pour la composition musicale et Elsa Revol, créatrice lumière, spécialiste du théâtre noir. Pour nous plonger dans Les Limbes, l’obscurité est nécessaire pour que les figures fantomatiques puissent apparaître et que la magie opère dans l’ombre, en finesse et en musique. Pour ce voyage aux confins du réel, une marionnette nous guide, peut-être la figure d’un père, le père d’Hamlet qui cherche à communiquer avec son Petit Prince de fils… Les interprétations sont multiples pour ce spectacle d’une grande qualité esthétique. Étienne Saglio dit s’être imprégné pour cette création des tableaux de Victor Hugo comme La silhouette fantastique et, même s’il ne s’en est aperçu plus tardivement, de la lecture de La porte des enfers de Laurent Gaudé. Il faut se laisser emporter dans Les Limbes, le voyage est saisissant !
Fantôme et Les Limbes sont en tournée du 21 août 2016 au 19 mai 2017
Plus d’informations : www.ay-roop.com
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Hakanaï, cie Adrien M / Claire B
La danse de l’ineffable
Le célèbre duo d’artistes français, Adrien Mondot et Claire Bardainne, a encore une fois fait sensation avec Hakanaï, une chorégraphie vertigineuse au cœur d’un dispositif numérique. Le défi de faire dialoguer les arts numériques et les arts vivants apparaît comme un terrain jeu inépuisable pour les deux compères. Le mot japonais Hakanaï pourrait se traduire par fragile, éphémère ou encore insaisissable ; ineffable correspondrait ici parfaitement à la pièce, quelque chose nous traverse et nous emporte, qu’on ne peut saisir, qu’on ne peut nommer.
Au sein d’un dispositif numérique, le public est placé devant trois des côtés d’un cube où se trouve la danseuse. Au gré de la chorégraphie, la question se pose de savoir si elle maîtrise ou est mue par les éléments virtuels. Est-ce une danse ou un combat ? Sommes nous au cœur de la forêt ou dans le ventre d’une machine ? Une seule réponse à toutes ces questions : la vérité est dans l’illusion. L’esthétique très particulière de cette proposition alliant danse et arts numériques n’est pas sans rappeler le spectacle Plexus d’Aurélien Bory avec Kaori Ito. Adrien M / Claire B, une compagnie à découvrir absolument !
Plus d’informations : www.am-cb.net
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La Partida, cie Vero Cendoya
Le match des genres
La chorégraphe catalane Vero Cendoya se fait un menu plaisir à tordre le cou aux idées reçues. Partant des postulats que le football est omniprésent dans notre société et que sur le terrain des inégalités entre hommes et femmes, la partie est loin d’être terminée, elle a eu envie de mettre en scène cinq footballeurs et cinq danseuses pour nous donner un coup de pied aux préjugés ! Sur un terrain de football créé pour l’occasion aux pieds du château de Racconigi, nous avons assisté dans ce cadre exceptionnel à un match sans précédent.
Dans La Partida, Sur une composition musicale d’Adele Madau jouée en direct, des footballeurs professionnels se mesurent à des danseuses pour jouer des limites de chacun. Pour défendre sa cause et aiguiser notre réflexion sur la différence, Vero Cendoya a fait le choix des armes, les meilleures qui puissent être : la grâce et l’ironie. Et pour apporter un peu plus de sel à la partie, elle nous donne également à entendre un extrait de texte du grand auteur polémiste uruguayen Eduardo Galeano. Enfin, saluons la prestation du danseur Mikel Fiol dans le rôle de l’arbitre qui semble tout droit sorti d’un film d’Almodovar ! Quel beau match !
La Partida est en tournée jusqu’en novembre 2016
Plus d’informations : www.verocendoya.com
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À fleur de peau, Groupe F
L’envolée des marionnettes incandescentes
La compagnie Groupe F est une référence mondiale en matière de spectacles pyrotechniques. Elle a notamment travaillé pour Björk, conçu le feu d’artifice de la Tour Eiffel pour l’an 2000, et chaque année, fait resplendir de mille feux les jardins du Château de Versailles. Le retour de la compagnie au Palais Royal de la Venaria Reale dont elle avait fait l’inauguration en 2007 était très attendu… par près de 4000 spectateurs !
Alors que nous prenions places dans les jardins, un décompte monumental annonçait le début du spectacle, tel un lancement de fusée. Oui, car c’est un spectacle pour le moins astronomique que nous a offert le Groupe F. Un astronaute ouvre le bal, comme minuscule marchant sur une planète aux mille couleurs, tandis que dans la foule, des êtres de lumière apparaissent pour venir le rejoindre. Ensemble, ils dessinent alors un nouveau monde, manipulant des marionnettes de feu qui naissent sous nos yeux pour ensuite s’envoler dans l’infini du temps et des rêves. Le vivant est éphémère, mais le souvenir est impérissable. Le beau dépasse les limites du temps et de l’espace. Le Groupe F nous a offert un final éblouissant au cœur des plus beaux jardins du Piémont. Là est la magie de Teatro a Corte, offrir des espaces aux rêves !
Plus d’informations : www.groupef.com
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Dans les dates à retenir, les 17 et 18 septembre prochains, la compagnie de danse Ambra Senatore qui nous a proposé un charmant parcours chorégraphique in situ au Palais Royal de Venaria Reale, Promenade au château, réitérera l’exercice au Château de Chambord.
Encore bravo et merci à toute l’équipe de Teatro a Corte qui fait montre d’une grande générosité dans sa volonté de nous donner à voir le meilleur de la scène européenne dans les lieux les plus incroyables. Réjouissons-nous de voir perdurer les liens du festival avec les demeures royales du Piémont, et de nouvelles amitiés se créer, notamment, avec le Polo del ‘900, un nouveau centre culturel qui réunit plusieurs institutions pour offrir au public un fonds documentaire conséquent et une belle programmation. Nous attendons avec hâte la prochaine édition !
Angélique Lagarde
Renseignements et réservations : teatroacorte.it
(Programme du festival disponible en anglais)