Roméo et Juliette, la version interdite au Pandora – Avignon Off – par Mary Landi
Posté par angelique lagarde le 30 juin 2016
Roméo et Juliette, la version interdite
D’après Shakespeare
Ecrit et mis en scène par Hubert Benhamdine
Au Pandora – Avignon Off – du 7 au 30 juillet à 20h40 (relâches les 11,18 et 25)
Une version burlesque de la célèbre pièce du dramaturge anglais
La plupart d’entre nous ont déjà vu Roméo et Juliette sous une forme plus classique et académique, aussi bien sur les planches, que dans des adaptations cinématographiques. Ici, si les grandes lignes de l’histoire sont respectées, mais le ton et l’écriture changent radicalement ! Il est possible que cela choque un peu les puristes, mais c’est justement cet esprit délibérément décalé qui amène un comique déjanté.
Et si Shakespeare nous avait menti… Vérone, en 1500 et des brouettes. La ville est ravagée par la lutte impitoyable que se livrent les Seigneurs Montaigue et Capulet, deux tyrans sanguinaires qui torturent comme on se gratte le coude. C’est pourtant leur progéniture qui va rapidement faire parler d’elle… Juliette Capulet, jeune fille méchamment désaxée au contact de parents lamentables, rêve du grand amour et de cieux plus cléments. Mais le destin, qui n’est plus à une blague près, lui fait croiser la route de Roméo Montaigue, être vaniteux et veule, fils de l’ennemi juré de Papa. De cet amour en forme de mauvaise blague naîtront catastrophes, quiproquos et rebondissements en tous genres !
Il fallait oser ! Réécrire la pièce de Shakespeare, en faire une tragi-comédie mais en y introduisant les travers humains actuels tout en les tournant en ridicule. Shakespeare aurait peut être apprécié cela ! Hubert Benhamdine s’est donc amusé à casser les codes initiaux et à affubler les deux héros principaux de caractères diamétralement opposés : un Roméo (Hubert Benhamdine) qui n’a rien d’un héros, à la fois vaniteux, craintif, ayant une peur bleue des armes et soumis à son père tyrannique (Nicolas Devort), secondé par un Tybalt sanguinaire et despotique (Julien Gigana). Quant à Juliette Capulet (Delphine Herrmann), extravertie, affirmée et un brin hystérique, elle manipule son entourage avec délectation, notamment son père laid et souffreteux, sa mère soumise et même son Roméo qu’elle mène par le bout du nez… Au milieu de personnages secondaires tout aussi désaxés, le couple se cherche, se dispute comme des chiffonniers, complote et passe son temps à provoquer des catastrophes en série pour le bonheur du public qui rit franchement de leurs déboires.
Cette fable férocement satirique met en lumière les maux et obsessions de l’âme humaine de notre époque (effondrement de la famille corruption du pouvoir et de l’argent, névroses diverses…), même si les costumes et décors sont restés ceux du 16ème siècle. Pas facile de mettre en scène une telle pièce sur la scène relativement étroite du Point Virgule ! Les costumes sont superbes, montrant la richesse des protagonistes. Le choix d’un décor sobre, avec des rideaux représentant des lieux, tirés à bon escient selon les scènes et quelques accessoires dont le lit de Juliette, est astucieux. Sa durée réduite à 1h15 est efficace. Les acteurs, bourrés à l’adrénaline, s’amusent comme des fous et sont plutôt bons. Tout repose sur un comique de situation, menant les scènes initialement tragiques à virer à la tragi-comédie, dans une légèreté comique croustillante. Bravo !
Mary Landi
Pandora
3, rue Pourquery de Boisserin
84000 Avignon
Réservations au 04 90 85 62 05