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Idomeneo de Mozart à l’Opéra national du Rhin par Angélique Lagarde

Posté par angelique lagarde le 24 mars 2016

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Idomoeneo © Alain Kaiser

Idomeneo
Opera seria en trois actes de Wolfgang Amadeus Mozart
Livret de Giambattista Varesco
Version de Vienne
Direction musicale de Sergio Alapont
Mise en scène de Christophe Gayral
Décors de Barbara de Limburg
Costumes de Jean-Jacques Delmotte
Lumières de Philippe Berthomé
Mouvements chorégraphiées par Karine Girard
Avec Maximilian Schmitt, Juan Francisco Gatell, Judith Van Wanroij,  Agneta Eichenholz, Diego Godoy-Giutérrez, Emmanuel Franco et Nathanaël Tavernier
Chœurs de l’OnR
Orchestre symphonique de Mulhouse
A l’Opéra national du Rhin jusqu’au 17 avril
A l’Opéra de Strasbourg jusqu’au 24 avril, à La Sinne à Mulhouse les 8 et 10 avril et  à l’Opéra de Colmar le 17 avril

Symphonie du fond des mers, antique et moderne ! 

Opera seria remarquable dans l’œuvre de Mozart, ce formidable duel entre le dieu Neptune et le roi Idoménée est peu représenté sur nos scènes, aussi réjouissons-nous de cette belle offre que nous fait l’Opéra national du Rhin. Créé en 1781 par le jeune prodige alors âgé de 25 ans, Idomeneo préfigure les chefs d’œuvres à venir, et notamment La flûte enchantée. Si le livret en italien de Giambattista Varesco s’est avéré un défi de taille pour Mozart, il l’a hautement relevé en composant une orchestration qui n’est que pur ravissement. Symphonie surgie du fond des mers, Christophe Gayral à la mise en scène et Sergio Alapont à la direction d’orchestre ont su paradoxalement, à la fois lui restituer ses lettres de noblesses, et lui apporter une vision moderne. Chapeau !

Une scénographie très sobre, épurée, à l’image d’une page blanche, noire ici en l’occurrence, se teinte au gré des actes par l’apport de décors parfaitement choisis par Barabra de Limburg et aussi, et surtout par la création lumière de Philippe Berthomé en totale harmonie avec le livret et son orchestration. Dès les premières notes, nous sommes transportés par la voix cristalline de la soprano Judith Van Wanroij dans le rôle d’Ilia qui se révèlera d’une extrême justesse du début à la fin. La difficulté de cet opéra dans sa composition est la répartition des voix quasi exclusive à un quatuor de solistes soutenu par un chœur d’envergure, or ici, la répartition des rôles apparaît tout a fait adéquate.

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Idomoeneo © Alain Kaiser

Ilia, la princesse déchue du royaume de Troie est rejointe par l’objet de son amour, le vainqueur adverse, fils d’Idoménée, roi de Crète, Idamante, interprété avec une belle sensibilité par le jeune ténor Juan Francisco Gatell. Idamante, noble et juste, libère les prisonniers pour que les deux peuples puisent s’unir, comme il souhaite s’unir à la belle Ilia. Le bonheur du jeune homme est éphémère puisqu’Arabace, confident du roi vient lui apprendre que son monarque de père, Idoménée, a péri en mer. L’instant suivant, nous partageons une autre douleur, celle d’Électre, fille d’Agamenon, transie d’amour pour Idamante qui voit son promis attaché à un autre cœur. L’interprétation de la soprano suédoise Agneta Eichenolz confère à Électre un charisme qui souligne la dimension tragique du personnage.

Idoménée n’a pas péri dans les flots, Neptune a entendu sa prière et l’a sauvé de la tempête, or il y a un prix a payer : il a promis d’offrir au Dieu de la mer le premier individu qu’il croiserait sur son chemin. Destin tragique, celui-ci ne sera autre que son fils Idamante. S’il faut attendre le deuxième acte pour entendre se déployer pleinement les capacités vocales du ténor Maximilian Schmitt, cette première scène nous révèle déjà un excellent interprète. C’est avec beaucoup de soin que le metteur en scène Christophe Gayral a orchestré la rencontre entre le père et le fils, passage tout à fait représentatif de son soucis de restituer la théâtralité de l’œuvre.

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Idomoeneo © Alain Kaiser

L’autre particularité vocale de cet opera seria, outre les nombreux récitatifs des quatre solistes est la présence forte du chœur. Il conclut le premier acte et fait montre de plus en plus d’envergure aux deux suivants. L’habilité de Sergio Alapont apparaît dans une direction d’orchestre qui, à la fois, crée les espaces nécessaires pour intégrer le chœur, et permet à la symphonie des cordes, vents et piano forte de s’élever dans les plus hautes sphères.

Au deuxième acte, Idoménée n’a de cesse de trouver une solution pour éviter le sacrifice de son fils, Ilia de clamer son bonheur, Idamante son courage et Électre sa passion. Le roi ne voit d’autre solution que de contraindre son fils à quitter la Crète. À l’approche de l’embarcadère, les voix d’Idoménée, Idamante et Électre se conjuguent dans un superbe trio interrompu par le surgissement d’un monstre marin, symbole de la colère de Neptune. Scène épique, il fallait un procédé qui éblouisse le spectateur tout en coïncidant avec la scénographie épurée, aussi le théâtre d’ombre s’est avéré un excellent choix.

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Idomoeneo © Alain Kaiser

L’intervention d’un Deus ex machina offre un dénouement heureux au troisième acte qui écarte l’opéra de la tragédie antique pour  la rapprocher d’un récit initiatique. Même si le jeune Mozart n’avait pas encore intégré l’ordre à cette époque, on le savait fréquenter de près la franc-maçonnerie et plusieurs éléments y feraient référence. La mise en scène de Christophe Gayral semble s’inscrire dans cette perspective. Il a notamment utilisé à bon escient la présence des membres du chœur comme témoins des épreuves d’apprentissage d’Idamante. Dans une délicatesse des effets scéniques mêlée à celle de l’orchestration, se dessine alors sous les traits d’Idamante et Ilia, la silhouette du couple formé par Tamino et Pamina dans La flûte enchantée et surtout, en référence à la reine de la nuit, un superbe moment nous est offert avec le solo final d’Électre sous un ciel étoilé.

L’audace de Christophe Gayral à la mise en scène, le talent de Sergio Alapont à la direction d’orchestre et la maestria des interprètes et musiciens repositionnent cet opera seria au rang d’œuvre majeure qui lui revient et nous offre un Idomeneo moderne et inoubliable.

Angélique Lagarde

Opéra national du Rhin
Renseignements / Réservations : 0825 84 14 84 (0,15 €/ min)
operanationaldurhin.eu

 

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