Bilan de la 69ème édition du Festival d’Avignon par Angélique Lagarde

Posté par angelique lagarde le 24 juillet 2015

Bilan de la 69ème édition du Festival d’Avignon par Angélique Lagarde dans Festival Avignon sav1-300x200

Sujet à vif – Connais-moi toi-même – Claire Diterzi et Dominique Boivin © SACD /LN Photographers

69ème édition du Festival d’Avignon
Du 4 au 26 juillet 2015

Le souffle des sujets à vifs !

Hacia la alegria… Olivier Py nous promettait de nous guider vers la joie avec ce spectacle et tout commençait bien. Nous avons accepté de nous rouler dans la fange par l’entremise de l’excellent comédien espagnol Pedro Casablanc pour atteindre les cieux,  mais l’ascension fut brève et la chute progressive mais douloureuse. La mise en scène du Roi Lear de ce cher directeur nous a plutôt ennuyés, la proposition de la compagnie estonienne Teater N099, N051 Ma femme m’a fait une scène et a effacé toutes nos photos de vacances, pleine de promesses, nous a vite lassés, Le Vivier des noms de Novarina fut montre d’une rare vacuité, Barbarians du chorégraphe Hofesh Shechter nous a profondément agacés, quant aux figures d’Antoine et Cléopâtre dans l’adaptation de Tiago Rodrigues António E Cleópatra, nous n’en avons rencontré que leur pâles esquisses. Nous attendons avec impatience de découvrir en tournée la mise scène de Richard III de Thomas Ostermaier et espérons que la suite des évènements a réservé de belles surprises aux festivaliers. Heureusement, un vent de liberté souffle encore et nous le souhaitons, continuera à souffler sur le Festival d’Avignon, ce sont les sujets à vifs !

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Le Roi Lear © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon

Le Roi Lear de Shakespeare était cette année le spectacle d’ouverture de la Cour d’honneur du Palais des Papes. Si nous n’avions pas été extrêmement enthousiasmés par la mise en scène de Giorgio Barberio Corsetti du Prince de Hombourg l’an passé (lire l’article), nous étions très curieux de découvrir le spectacle d’ouverture de cette nouvelle édition du Festival d’Avignon. Sceptiques sur la traduction très contemporaine du texte, nous le fûmes d’autant plus sur la mise en scène et l’interprétation. Une mise en abîme, du théÂtre dans le théÂtre, d’immenses lettres lumineuses affichent cette phrase « Ton silence est une machine de guerre » qui exprime si bien le non-sens de cette mise en scène. Lorsque le Roi Lear demande à ses trois filles d’exprimer leur amour pour lui, sources de sa déchéance à venir, Cordelia ne refuse pas la communication, mais le mensonge, l’hypocrisie politique ! La scénographie finale fait chuter les comédiens dans un trou, un trou noir où Olivier Py a jeté Le Roi Lear. Quant au jeu donc, certes comme toujours, Jean-Damien Barbin excelle dans le rôle de Jean-Damien Barbin, mais on ne comprend pas pourquoi la superbe Amira Casar est venue se perdre dans ce néant, pourquoi les si bons interprètes Matthieu Dessertine (qui tenait le rôle titre dans Orlando ou l’impatience) et Nâzim Boudjenah (de La Comédie Française) vocifèrent ainsi et enfin et surtout, pourquoi le rôle-titre a été confié à Philippe Girard, un personnage et un registre si éloigné de son néanmoins indéniable savoir-faire. Olivier Py, nous l’a prouvé avec Hacia la Alegria (lire l’article) et l’an passé avec Orlando ou l’impatience (lire l’article),  est un excellent metteur en scène de ses œuvres, mais quand il aborde un classique, cela ne fonctionne pas toujours avec son esthétique ; il est dommage d’avoir voulu adapter Shakespeare à son image et non de mettre en lumière le grand auteur élisabéthain.

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N051 Ma femme m’a fait une scène et a effacé toutes nos photos de vacances © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon

N051 Ma femme m’a fait une scène et a effacé toutes nos photos de vacances de la compagnie estonienne Teater N099 était très attendu. Ene-Liis Semper, scénographe et artiste vidéo et Tiit Ojasso, metteur en scène se sont associés pour créer cette compagnie « éphémère » puisqu’à la façon d’un compte à rebours de 99 à 0, lorsque le dernier projet verra le jour, la structure disparaîtra. Ce N051 s’inscrit donc à mi-chemin de cette aventure surprenante, malheureusement, la surprise s’arrêtera là. Le parti pris de départ est de prendre appui sur un homme qui fait le pari de reconstituer avec des figurants toutes les photos de vacances en famille que sa femme a effacé, prétexte pour remettre en question notre société fondée sur l’image avec toutes les dérives sociétales que cela implique. Le concept est intéressant mais reste à l’état de concept. La scène d’ouverture de ce huis clos dans une chambre d’hôtel, entièrement mimée, sans un mot, par le comédien principal, nous ravie avant que ne s’ensuivent, même si cela était prévisible, une série de « sketchs » pour reconstituer les clichés de vacances projetés « en direct », une scène d’orgie absolument inutile entre les figurants et une série de « trucs » de photo de studio dévoilés, amusant, mais vite lassant.

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Le Vivier des Noms © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon

Le vivier des noms de Valère Novarina fut présenté au Cloître des Carmes. Si ‘auteur est désormais un « incontournable » du Festival d’Avignon, il est depuis toujours encensé par les uns, décrié par les autres. A notre grand regret, avec ce nouvel opus, nous changeons de camp ! Férus de l’écriture novarinienne, depuis la découverte de ce texte unique en son genre Pour Louis de Funès où il décrit à merveille l’art du comédien, nous avons assister à de nombres de ses œuvres mises en scène par ses propres soins avec le même intérêt. Nous avions été subjugué par sa manière si délicate de disséquer, l’espace, le temps et le genre humain dans L’espace furieux et les rapports sociaux et la politique dans Le Vrai sang. Nous sommes d’autant plus déçus de la vacuité de ce Vivier des noms, « annuaire » de ses personnages présentés par une dame Loyale et exposés en scénettes. La virtuosité de « ses » comédiens avec en tête la délicieuse Agnès Sourdillon au timbre si particulier, ne suffira pas à maintenir notre attention durant deux très longues heures et quarante minutes.

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Antonio E Cleopatra © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon

António E Cleópatra d’après William Shakespeare, ah oui, mais où donc est-il passé ? Tiago Rodrigues a présenté au Théâtre Benoît XXII un interminable dialogue entre deux comédiens sensés interpréter ceux qu’ont pu ressentir Antoine et Cléopâtre. Réminiscence ou extrême imagination ? Quoi qu’il en soit le résultat est loin d’être convaincant, passez vite votre chemin. Et faîtes de même pour Barbarians, le nouveau projet chorégraphique d’Hofesh Shechter qui a pourtant reporté cette année le prix du syndicat de la critique pour Disappearing Act mais présente ici une œuvre très personnelle, voire totalement mégalomane, une sorte de laboratoire mais où l’on ne créerait rien tout en faisant beaucoup de bruit, et non ce n’est pas du Skakespeare, nous en sommes, très, très loin !

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Barbarians © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon

Enfin, enfin, la respiration que nous attendions avec impatience : Les sujets à vif ! Pour chaque édition, le Festival d’Avignon en collaboration avec la SACD compose un programme de réjouissances qui met en relation des artistes se connaissant ou non afin de créer de l’impromptu. Ces formes courtes pouvant allier théâtre, danse, musique, cirque et même cinéma sont présentées au Jardin de la Vierge du Lycée Saint Jospeh qui se transforme alors en un écrin de verdure pour la créativité. L’an passé, nous avions eu l’immense bonheur de découvrir ce petit bijou qu’était La religieuse à la fraise de Kaori Ito et Olivier Martin-Salvan. Nous avons eu la chance d’assister cette année au programme A qui associait en première partie, l’auteur compositrice et interprète Claire Diterzi au chorégraphe Dominique Boivin, et en seconde partie la performeuse et auteure Jessica Batut à la chorégraphe et interprète Latifa Laâbissi.

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Sujet à vif – Broyage – Jessica Batut et Latifa Laâbissi © SACD /LN Photographers

Claire Diterzi est la première artiste de musique « actuelle » à avoir obtenu une résidence à la Villa Médicis à Rome. Nous l’avions découverte pour la composition musicale des spectacles chorégraphiques de Philippe Découflé Iris et IIris, suivie dans sa collaboration avec Martial Di Fonzo Bo pour Rosa la rouge et applaudi la présentation de son album Tableau de chasse au Théâtre National de Chaillot. Qualifier son travail en deux mots ? Exigence et impertinence ! On ne présente plus Dominique Boivin, directeur artistique de Beau Geste et interprète remarqué et remarquable auprès notamment de Philippe Découflé et Daniel Larieu. Imaginez un peu la folie qu’ont pu engendrer ces deux fantaisistes ! Connais-moi toi-même est une réflexion sur l’identité de l’artiste pour créer un duo où l’un est l’autre, un moment jubilatoire ! Le pari de Jessica Batut et Latifa Laâbissi dans Broyage de donner à entendre de manière chorégraphique un texte de l’incroyable poète Tarcos était probablement un peu ardu et l’écoute a peut-être manqué ; l’artiste peut tout envisager, prévoir, si ce n’est l’attention de son public.

Si la finalité est variable, la conception même de ces sujets à vif devrait servir de modèle à la programmation du Festival d’Avignon qui pourrait parfois donner un peu moins à voir et créer un peu plus à vivre !

Angélique Lagarde

Site officiel du Festival d’Avignon : www.festival-avignon.com

 

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