Sélection Marionnette et autres arts – Tout Public – Avignon Off par Angélique Lagarde

Histoire d’Ernesto © Elisabeth Carecchio

Nos cinq coups de cœur marionnette et autres arts

L’idée reçue que la marionnette serait réservée au jeune public s’évapore heureusement au fil des créations de compagnies de plus en plus créatives, et la 50^ème édition du Off en est encore une fois la preuve incontestable. Voici 5 spectacles à découvrir qui sauront convaincre voire émerveiller les plus sceptiques : Histoire d’Ernesto à la Caserne des pompiers, Nouveau héros et De la porte d’Orléans à l’Espace Alya, Des rêves dans le sable à la Condition des soies et D’un souffle tu chavires à Villeneuve en scène.

Histoire d’Ernesto
D’après La pluie d’été de Marguerite Duras
Mise en scène de Sylvain Maurice
Avec sept jeunes actrices marionnettistes issues de l’Ecole supérieure nationale des arts de la marionnette de Charleville-Mézières
À la Caserne des pompiers - Avignon Off – du 6 au 22 juillet à 12h

Les marionnettistes de demain

Chaque année, nous nous réjouissons de découvrir le talent des jeunes marionnettistes issus de l’Ecole supérieure nationale des arts de la marionnette de Charleville-Mézières. Sept d’entre eux ont travaillé sur l’œuvre de Marguerite Duras La pluie d’été avec Sylvain Maurice à la mise en scène, travail qui a donné naissance à cette création, Histoire d’Ernesto.

Ernesto est un petit garçon pas comme les autres, très différent de ses « brothers » et « sisters » et qui crée le trouble chez ses parents complètement dépassés par la situation et fuyant dans l’alcool et la débauche un quotidien difficile. Ernesto sait lire avant d’avoir appris et a décidé qu’en revanche, il ne voulait plus aller à l’école parce qu’il y « apprend des choses qu’il ne sait pas ». Sonnés par cet argument, ses parents l’emmènent chez Monsieur le directeur, un doux rêveur coincé dans un habit de fonctionnaire…

Chaque protagoniste est interprété à tour de rôle par l’une des jeunes interprètes, et si le jeu théâtral mériterait un peu plus d’exercice, la marionnette habitée du directeur et les petites marionnettes portées des parents démontrent déjà chez elle un talent de construction et un art certain de la manipulation. Un spectacle à voir avec bienveillance et surtout de jeunes artistes à suivre !

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Nouveau héros © DR

Nouveau héros
De et mis en scène par Nicolas Kerszenbaum
Avec Bertrand Barré
À L’Espace Alya – Avignon Off – du 4 au 24 juillet à 12h15
Les héros ne sont plus ce qu’ils étaient !

Voici un bel exemple qui n’est pas, mais alors, absolument pas pour les enfants ! Nicolas Kerszenbaum a eu l’audace d’adapter à notre époque l’histoire du demi-dieu Hercule en une pièce de 12 tableaux plus surprenants les uns que les autres. Nous parcourons le mythe de la conception d’Hercule à sa « reconception », en passant par l’enfance, l’adolescence, le mariage, le crime et la rédemption.

La particularité du spectacle repose à la fois sur un texte qui brouille les piste et les idéaux avec un langage et des attitudes qui transmettent des situations d’une grande violence physique ou morale, et un jeu qui s’appuie sur des objets tels que play mobiles et poupées Barbie. Cette façon toute particulière de décomposer et recomposer le mythe ne sera pas dévoilée ici, mais pour sûre elle mérite le détour.

Si le fond et la forme sont tout aussi déconcertants, le comédien Bertrand Barré parvient à nous guider à travers cette épopée d’un Hercule moderne qui soulève des thèmes de société très actuels comme la violence faite aux femmes et la question du genre. Troublant, il serait dommage de parcourir le festival sans venir observer cet OVNI !

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De la porte d’Orléans © Ludovic Leleu

De la porte d’Orléans
De et interprété par Audrey Bonnefoy
Mise en scène de Philippe Rodriguez-Jorda
A l’Espace Alya – Avignon Off – du 4 au 26 juillet à 13h

Mamie fait de la résistance 

Un vieux poste de radio crépite au devant de scène. Nous sommes en plein milieu de la Seconde Guerre Mondiale, une petite fille de six ans vient rendre visite à sa grand-mère qui, nous le découvrirons par le regard emprunt de naïveté de l’enfant, se prépare à une action d’envergure pour la Résistance… L’histoire vraie s’est déroulée le 1^er août 1942, l’action fut menée par une branche du parti communiste nommé « l’Union des Femmes d’Île-de-France ». L’histoire De la porte d’Orléans en est une évocation, mais porte le même message, qu’énonce si bien la grand-mère : « Le pire n’est pas de collaborer mais de s’accommoder ».

La fillette assistera à un défilé de personnages plus cocasses les uns que les autres, et nous de même, par ses yeux ébahis : La concierge Madame Perez qui semble très bien s’accommoder de la situation, le jeune marchand de journaux un peu trop bavard mais très doué en lancé de tracts, le pharmacien qui résiste comme il peut, et d’autres encore… et aussi, et surtout, Madame Meyer qui tient la mercerie, et où se rendent chaque week-end la grand-mère et sa petite fille. Les tableaux successifs prennent vie grâce à un habile dispositif de mercerie modulable, de marionnettes et des multiples changements de voix interprétés par l’auteure-comédienne.

Ce spectacle dont le nom n’est probablement pas inconnu aux oreilles des amateurs de marionnettes et de bel ouvrage, est une recréation de son auteure et interprète Audrey Bonnefoy, à partir d’une première forme créée en collaboration avec la Compagnie Succursale 101 dans une mise en scène d’Angélique Friant. Cette version avec de nouvelles marionnettes étoffe à la fois l’histoire et le caractère de ses protagonistes et donne ainsi une seconde vie à ce spectacle que l’on peut ainsi apprécier sous un nouveau jour, donc à voir !

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Des rêves dans le sable © DR

Des rêves dans le sable
De et par Lorène Bihorel
Au Théâtre de la Condition des soies – Avignon Off – du 4 au 26 juillet à 16h30

Dessine-moi un rêve

Quelle brillante idée que de nous conter des rêves si beaux qu’éphémères, tracés dans le sable et emportés par le vent. Pour la troisième saison, Lorène Bihorel réjouit les spectateurs du Off et nous attestons que son prix du public 2014 est amplement mérité.

Sa technique toute particulière consiste à dessiner dans le sable, des paysages, des chevaux, des anecdotes mais aussi des contes du pays du Soleil Levant et à les projeter en direct. De la sorte, nous pouvons à la fois apprécier l’artiste au travail et nous laisser émerveiller par ses créations.

Les plus jeunes sont très réceptifs à ces contes qui se dessinent sous leurs yeux, nous sommes subjugués par la dextérité de la jeune femme, ce moment de poésie inouï n’est à manquer sous aucun prétexte !

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D’un souffle tu chavires © Bernard Duret

D’un souffle tu chavires
D’après Deux mots d’Isabelle Allende
Adaptation de Hugues Hollenstein et Grit Krausse
Avec Hugues Hollenstein, Grit Krausse, Guillaume Druel
Masques et Peintures de Lara Manipoud
Au Festival Villeneuve en scène du 10 au 23 juillet à 17h45

Il n’est pas de festival d’Avignon sans faire un saut du côté de Villeneuve en scène où se découvre chaque année de jolies pépites. D’un souffle tu chavires est un spectacle tout à fait atypique, à la lisière du théâtre, de la marionnette et des arts du cirque.

Librement adapté de Deux mots d’Isabelle Allende, c’est le récit de Belissa, la vendeuse de mots et du Colonel qui cherche à séduire le peuple. Entre guerre, incompréhension et passions des âmes, une belle histoire se trame au cœur de la grande Histoire.

Saluons, la scénographie fabuleuse de cette création dans une roulotte-théâtre hors du commun, les masques et peintures de Lara Manipoud et l’habilité des interprètes, circassiens, manipulateurs et peut-être même magiciens… À suivre !

Angélique Lagarde