A mon seul désir de Gaëlle Bourges au Festival d’Avignon par Marie-Laure Atinault

A mon Seul Désir © Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon

A mon seul désir
Conception et récit : Gaëlle Bourges
Avec Carla Bottiglieri, Gaëlle Bourges, Agnès Butet et Alice Roland
Au Gymnase du lycée Saint-Joseph / Festival d’Avignon du 14 au 21 juillet au

Beauté, intelligence et fascination

A mon seul désir est l’un de nos grands coups de cœur. Le titre fait référence au magnifique ensemble des tapisseries dites de La Dame à la Licorne que l’on peut admirer au musée de Cluny à Paris. Tissées aux alentours de 1500, leur auteur est inconnu mais elles portent les emblèmes de la famille Le Viste. Elles furent sauvées de l’oubli et de la destruction par Prosper Mérimée en 1841. L’ensemble est composé de six  tapisseries, les cinq sens sont décrit dans un luxueux décor floral, la sixième porte le titre énigmatique A mon seul désir.

Sous nos yeux quatre femmes nues se présentent au devant d’une bande de tissu de couleur pourpre. Leur nudité n’est pas choquante. Elle est naturelle. Une voix off aux tonalités très douces, nous expliquent, nous resituent l’histoire de La Dame à la Licorne. Les femmes, petit à petit, insèrent des fleurs dans la bande de tissu pour faire apparaître sous nos yeux le fond floral des tentures. Elles marchent lentement avec des gestes codifiés. Cette lenteur nous met dans un état de recueillement, nous sommes tout ouïe pour suivre les explications de la voix off, celle de Gaëlle Bourges.

Il y a dans ces tapisseries un bestiaire important, lapins à profusion, renard, singe, lévrier, et bien sûr un lion et une licorne qui tiennent selon les tapisseries des étendards, des oriflammes et des blasons. Une femme hiératique à la beauté diaphane est au centre de tous les regards. Richement vêtue, elle porte des bijoux finement ouvragés. Les danseuses porteront tour à tour des masques animaliers, renard, lapin, lion, licorne, singe. L’une des danseuses sera revêtue d’une robe en broquard, d’une coiffe et de bijoux. Néanmoins elle restera toujours les fesses à l’air. Le titre de la sixième tapisserie est un sujet d’étude. Sur un fond pourpre et floral, nous voyons en plein centre une tente très fine, au sommet de cette tente un galon porte l’inscription A mon seul désir, la dame contemple un coffret à bijou tenu par sa suivante, plus petite qu’elle. Prend-t-elle le collier ? Où le range-t-elle ? Va-t-elle rentrer dans la tente pour une nouvelle vie. De chaque côté de la tente Le lion et la licorne forment la garde rapprochée de la belle.

Quel est ce sixième sens ?

La dame est l’expression de la vierge. Nous sommes en plein amour courtois. Tout est symbole. La voix off nous livre une érudition savante et agréable. Chaque animal a sa symbolique, ainsi le lapin est au moyen âge considéré comme un animal lubrique, alors que la licorne, qui bien sûr existait à l’époque est le symbole de la virginité de la dame. Malicieusement, Gaëlle Bourges s’amusera à multiplier à loisir le petit rongeur prolifique, pour un final étonnant.

La voix de Gaëlle Bourges qui scandent les faits et gestes des danseuses, est celle d’une conteuse savante qui fait une interprétation passionnante de ces magnifiques tapisseries. Les danseuses bougent très lentement. Nous sommes dans un autre temps, un autre monde où la précipitation n’est pas de mise. La relation au temps et au monde répondent à une autre grille de valeur. Il se dégage de cette lente mise en place une grâce infinie.  Intelligent, ludique et raffiné ce spectacle est l’un de nos coups de cœur.

Marie Laure Atinault

Site officiel du Festival d’Avignon : www.festival-avignon.com