Ciboulette de Reynaldo Hahn – Mise en scène de Michel Fau à l’Opéra Comique par Marie-Laure Atinault
Posté par angelique lagarde le 4 mai 2015
Ciboulette © Vincent Pontet
Ciboulette
Opérette en trois actes de Reynaldo Hahn
Livret de Robert de Flers et Francis de Croisset
Mise en scène de Michel Fau
Direction musicale Laurence Equilbey
Créée le 7 avril 1923 au Théâtre des Variétés
A l’Opéra Comique les mardi 5 et jeudi 7 mai
Un vrai bouquet de printemps sur scène !
« C’est gai, c’est vif, ça pirouette », c’est Ciboulette ! La délicieuse opérette de Reynaldo Hahn, mise en scène par un Michel Fau très en forme, nous repeint le cœur aux couleurs printanières ! Le genre de l’opérette est magnifié par cette œuvre qui trouve un écrin idéal à l’Opéra comique.
Ciboulette est une opérette écrite en réaction du « goût contemporain teinté d’un fâcheux américanisme » selon Robert de Flers qui ici fait équipe avec Francis de Croisset. En effet, Robert de Flers a perdu son alter ego, Caillavet qui est décédé en 1915. Les deux compères ont fait des pièces dont la légèreté et étude de mœurs font toujours nos délices, tel l’excellent L’habit Vert. Avec l’impertinent et poète Francis de Croisset, ils écrivent un livret malicieux et enlevé.Robert de Flers est le véritable instigateur de l’œuvre puisqu’il demanda à Reynaldo Hahn de se lancer dans l’aventure. Ce musicien délicat, admirateur de Mozart et d’Offenbach se lance dans ce challenge.
Ciboulette, petite cousine de Véronique de Messager ?
Ciboulette est une jeune maraîchère qui vient tous les jours vendre sa production aux halles Baltard. Par un concours de circonstances, Antonin, jeune aristocrate, ô pardon pas jeune il a 28 ans et il est épuisé, s’allonge dans la carriole de Ciboulette. Antonin est éprouvé par sa maîtresse, la pétulante Zénobie. C’est bien volontiers qu’il la donne à son amant. Il remercie chaleureusement Duparquet, un homme sage qui sera un peu le destin heureux des futurs amours de Ciboulette et de ce grand benêt d’Antonin.
L’opérette nous plonge dans le Paris des années 1867, et joue les contrastes entre la capitale et la campagne. Notre jeune héroïne vit avec son oncle et sa tante, Mr et Mme Grenu à Aubervilliers où règne « le doux silence des champs ». Ils attendent leur nièce qui fête aujourd’hui ses 21 ans. Il serait temps qu’elle se fiance, se désole l’oncle ! La tante dans le secret de la jeune fille sait qu’elle ne manque pas de prétendants, elle en a huit ! C’est trop et pas assez. Mais Ciboulette rêve d’autre chose que ces paysans endimanchés !
Le dernier acte nous entraîne à l’opéra où le directeur ressemble à un certain Jérôme Deschamps. La Comtesse de Castiglione qui doit être l’arrière grand-mère de Michel Fau fait une entrée très remarquée dans une robe verte à faire pâlir une rainette. Cette dernière soupire après un « amant qui serait confiant, soumis, discret ». Duparquet, en fidèle adjoint de Cupidon, saura réunir Antonin et Ciboulette. Quel soulagement, la fin est heureuse !
Ciboulette © Vincent Pontet
Mélodie Louledjian est une Ciboulette pimpante, affriolante malgré elle et loin d’une certaine mièvrerie qui a tant fait de mal à l’opérette. Pour jouer l’Opérette, il faut non seulement de bons chanteurs mais également de bons comédiens. Il faut la voir entraîner la salle dans l’air du muguet si charmant. Tassis Christoyannis joue Duparquet. Reynaldo Hahn a doté ce rôle de plusieurs airs d’opéra car le rôle était destiné à Jean Périer, qui fut le premier Pélleas. Tassis Christoyannis est magnifique. Antonin est interprété par l’excellent Julien Behr. Mais à vrai dire la distribution est digne de tous les éloges. On reconnaît dans le rôle de la Comtesse de Castiglione la diva du Récital Emphatique, un moment terriblement drôle quoique un peu difficile pour les mélomanes puristes.
Quel bonheur ! Ciboulette est l’un des meilleurs spectacles que nous ayons vu cette année. Les décors et les costumes nous mettent dans l’ambiance de l’époque. Merci, oui merci de ne pas avoir propulsé les personnages dans les années 60, qui sont très à la mode sur les scènes lyrique. Michel Fau, avec intelligence et sa grande culture, réalise une mise en scène, qui allie fantaisie, effet burlesque et beaucoup de sensibilité. La direction musicale de Laurence Equilbey rend hommage à un grand musicien un peu oublié. Reynaldo Hahn est un musicien inventif, son invention mélodique, le raffinement harmonique qui est sa patte, font de cette œuvre un petit chef d’œuvre. Ciboulette à la sauce Fau est une potion puissante contre la morosité. Quel talent !
Marie Laure Atinault
Opéra Comique
1 Place Boieldieu
75002 Paris
Réservations au 01 42 44 45 40