• Accueil
  • > Interviews
  • > Laurent Pelly, rencontre à l’Opéra de Madrid pour La fille du régiment

Laurent Pelly, rencontre à l’Opéra de Madrid pour La fille du régiment

Posté par angelique lagarde le 23 octobre 2014

laurent pelly la fille du régiment

La fille du régiment un opéra de Gaetano Donizetti
Livret de J. H. Vernoy de Saint-Georges et Jean-François-Alfred Bayard
Direction musicale de Bruno Campanella ou Jean-Luc Tingaud
Mise en scène de Laurent Pelly
Scénographie de Chantal Thomas
Adaptation d’Agathe Mélinand
Avec Aleksandra Kurzak ou Desirée Rancatore, Ewaz Podles ou Rebecca de Pont Davies, Angela Molina, Javier Camarera ou Antonino Siragusa, Pietro Spagnoli ou Luis Cansino, Isaac Galan, Mathieu Bettinger, Pedro Quiralte-Gomez, Enrique Lacarcel et Pablo Oliva.
Chœur et Orchestre de l’Opéra de Madrid
Coproduction du Metropolitan Opera de New York, Covent Garden de Londres et Wiener Staatsoper de Vienne.
Jusqu’au 11 novembre à l’Opéra de Madrid

Laurent Pelly signe une version antimilitariste de La fille du régiment de Gaetano Donizetti

Laurent Pelly dont les mises en scène ont été applaudies entre autres dans les Opéras de New York, Paris, Londres, Vienne, Barcelone, en venant travailler pour la première fois à l’Opéra de Madrid marque un coup double : après La fille du régiment de Donizetti (en octobre, novembre 2014) il reviendra en janvier 2015 créer Hänsel und Gretel de Engelbert Humperdink.

La fille du régiment est l’histoire de la jeune Marie, enfant naturelle d’une marquise, abandonnée à sa naissance et adoptée par un régiment de grenadiers de l’armée napoléonienne. Vingt ans après, alors que l’armée napoléonienne envahit l’Autriche, la marquise en fuite retrouve par hasard sa fille. Le ton patriotique, guerrier domine dans cet opéra clairement nationaliste. En déplaçant l’action dans le temps, début de la guerre 1914 – 18 et en traitant le sujet sur le mode ironique, quasi caricatural, conjuguant l’humour et le regard critique, Laurent Pelly met en dérision l’euphorie patriotique et nationaliste de l’œuvre. Une mise en scène brillante en totale symbiose avec la partition musicale, servie par d’excellents chanteurs et un orchestre à toute épreuve. Laurent Pelly nous ouvre les portes de sa Fille du régiment.

Kourandart : Vous semblez avoir une relation particulière avec la musique de Donizetti : La fille du régiment est le troisième opéra que vous montez de lui…
Laurent Pelly : Oui, j’adore la musique de Donizetti. Je la ressens très fort. Don Pasquale, L’élixir d’amour que j’ai montés auparavant et La fille du régiment sont des comédies. J’aimerais aborder maintenant ses opéras plus dramatiques. Par rapport à Don Pasquale et à L’élixir d’amour, la musique de La fille du régiment est très différente, très française, marquée par l’esprit militaire.

Vous montez La fille du régiment dans une adaptation d’Agathe Mélinand, votre collaboratrice permanente. Quels étaient les principes de son approche du livret ?
La fille du régiment est une histoire assez longue, complexe avec une multitude de péripéties, de coups de théâtre, de rebondissements. Nous avons fait des coupes dans les parties parlées très longues. Agathe Mélinand a réécrit le texte en modernisant le langage pour le rendre plus accessible. Nous avons coupé et réorganisé les dialogues parlés pour redonner le rythme, en suivant toujours le fil de l’histoire. Le but n’était pas de réactualiser mais dépoussiérer en jouant avec l’esprit patriotique et le vocabulaire militaire, guerrier de l’œuvre.

Vous proposez une nouvelle lecture de La fille du régiment décalée à la fois dans le temps et par rapport à son propos patriotique et militariste. En quoi consiste cette approche ?
La ferveur patriotique, l’ambiance guerrière, certaines valeurs de l’époque sont aujourd’hui désuètes et même grotesques.J’ai transposé l’action qui se passe pendant les guerres napoléoniennes dans une époque plus proche de nous, au début de la guerre 1914 – 1918. Je me suis rendu compte que cet opéra ne supporterait pas une transposition dans une époque contemporaine. Je suis toujours au service d’une œuvre et non pas l’inverse. Je voulais que cette histoire de la guerre et de l’orpheline adoptée par une communauté de soldats parle aux gens d’aujourd’hui. Mais en même temps on ne peut pas donner de la guerre une image « hard » car c’est une comédie. Mon option était donc de faire rire avec ces valeurs désuètes et de rendre cette histoire un peu dérisoire.La scénographie de Chantal Thomas reprend le parti pris de décalage. Nous sommes dans un décor qui représente une carte, un terrain de jeu où les soldats s’agitent comme des soldats de plomb, en rendant cette guerre stupide et dérisoire.

Comment ce décalage se traduit-il dans l’approche des personnages et dans le jeu ?
Tout d’abord il y a le personnage principal, Marie, qui a été abandonnée et élevée par tout un régiment. Dans la version originale de La fille du régiment c’est une vivandière qui sert à manger aux soldats.Nous avons imaginé Marie, en travaillant avec Nathalie Dessay qui a créé ce rôle, comme un garçon manqué qui est en train de découvrir l’amour et sa féminité. Il y a aussi dans cet opéra un aspect mélodramatique : une aristocrate qui a abandonné son enfant par peur d’être rejetée de sa « caste », et qui la retrouve vingt ans après. On utilise encore beaucoup le ressort mélodramatique au cinéma ou à la télévision mais au théâtre cela passe mal. J’ai opté pour un traitement parodique du mélodrame en veillant en même temps à ce que la dérision n’empêche pas l’émotion. En revanche la confrontation du naturel et de la rudesse des gens du peuple avec l’artifice et les conventions de l’aristocratie est traitée sur un ton grotesque.

Dans vos mises en scène d’opéras, il y a toujours beaucoup de théâtre et inversement des éléments musicaux ou même la musique jouée en direct sont souvent très présents dans vos mises en scène d’œuvres dramatiques. Si aujourd’hui vous continuez à vous partager entre le théâtre et l’opéra pourriez-vous un jour basculer d’un côté ?
À l’opéra je dirige les chanteurs comme les acteurs au théâtre. J’ai toujours du mal à séparer les deux. Le travail à l’Opéra nourrit beaucoup mon travail au théâtre et vice versa. Je codirige depuis 2007 avec Agathe Mélinand le Théâtre National de Toulouse où on travaille principalement sur des textes dramatiques. Je crois que je ne pourrais jamais choisir entre le théâtre et l’opéra. J’ai une énorme passion pour la musique que je pratique moi-même. Ce que peut m’apporter le travail avec un acteur est très différent de ce que m’apporte un chanteur. Si je bascule un jour d’un côté ce serait l’opéra mais je tenterais quand même de faire du théâtre.

Quels sont les reprises et les projets d’opéra et de théâtre sur lesquels vous travaillez en ce moment d’avantage que le théâtre…
Je viens de faire l’Étoile de Chabrier à l’Opéra d’Amsterdam. On reprend Ariane à Naxos de Richard Strauss à Paris, L’enfant et les sortilèges de Ravel à Glasgow. Au Théâtre de Toulouse je vais créer L’Oiseau vert de Gozzi.  Je travaille plutôt en été à l’étranger pour pouvoir me consacrer au Théâtre de Toulouse pendant la saison.

Propos recueillis par Irène Sadowska Guillon

 

ndiheferdinand |
sassouna.unblog.fr/ |
pferd |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Konoron'kwah
| Montségur 09
| INTERVIEWS DE STARS