Carmen De Georges Bizet au Teatro de la Zarzuela par Irène Sadowska Guillon
Posté par angelique lagarde le 16 octobre 2014
Carmen © Fernando Marcos
Carmen
De Georges Bizet
Zarzuela en quatre actes à partir de l’opéra-comique de Ludovic Halévy et Henri Meilhac
Version espagnole de Saul Aguado et Ana Zamora d’après la traduction historique d’Eduardo de Bray
Mise en scène d’Ana Zamora
Direction musicale de Yi-Chen Lin
Décor de Richard Cenier
Avec Maria Jose Montiel ou Jossie Pèrez, Sabina Puertolas ou Rocio Ignacio, Jose Ferrero ou Javier Palacio, Isabel Rodriguez Garcia, Marifé Nogales, Ruben Amoretti, Javier Galan, Mikeldi Atxalandabaso ou Nestor Losan, Francisco Tojar, Gerardo Bullon ou David Rubiera, Jose Vincente Ramos, Juan Pedro Schwartz, Isabel Gonzalez, Alberto Rios,
L’Orchestre de la Communauté de Madrid et le Chœur du Teatro de la Zarzuela
Au Teatro de la Zarzuela à Madrid jusqu’au 31 octobre et en tournée
Carmen, prototype de la femme libre, égale de l’homme
Le mythe littéraire de Carmen né sous la plume de Prosper Mérimée a inspiré de nombreuses œuvres musicales, dramatiques, chorégraphiques. Les peintres et les cinéastes n’ont cessé de le revisiter, il existe pas moins de quatre-vingt films sur le sujet. Voici que Carmen de Georges Bizet adapté en espagnol dans la version de la zarzuela, avec des parties chantées et dialoguées, par Eduardo de Bray, et créée en 1887 au Teatro de la Zarzuela, revient aujourd’hui sur la scène de ce théâtre. La mise en scène magistrale d’Ana Zamora traite la figure de Carmen dans sa dimension du mythe, de l’archétype de la femme libre, égale des hommes. Une Carmen qui traverse le temps au-delà de tous les clichés et des connotations du personnage à diverses époques.Douze ans après sa création en 1875 à Paris, à l’Opéra-Comique, Carmen de Georges Bizet, l’opéra le plus représenté au monde, traduit en espagnol et transformé en version zarzuela, triomphe au Teatro de la Zarzuela à Madrid.
Pendant longtemps les mises en scène de Carmen se complaisaient à reproduire la couleur locale, l’exotisme andalou, en réduisant Carmen à une femme démoniaque, provocante, séductrice, néfaste, fatale, menant les hommes à la perdition. La production présentée actuellement au Teatro de la Zarzuela, avec aux commandes deux femmes : Ana Zamora pour la mise en scène et une jeune chef Taïwanaise Yi-Chen Lin à la direction musicale, va à l’encontre de cette image traditionnelle, patriarcale et machiste promue par Mérimée sans pour autant rejoindre des positions féministes.
Pour Ana Zamora Carmen de Bizet n’est pas un drame d’amour mais « le drame des hommes : comment se comporter face à une femme libre ? Nous sommes face à une histoire écrite par des hommes fascinés et terrorisés par une femme qui ne se réduit pas au format traditionnel et qui réveille une panique ancestrale devant une femme dont on voudrait jouir mais en même temps la contrôler. Une Carmen irrécupérable qui ne revendique aucune idéologie, elle veut simplement exercer sa liberté. » En cohérence avec son parti pris de traiter Carmen comme un mythe, elle débarrasse le personnage de tous les clichés, y compris de celui de la belle et jeune gitane, en créant une Carmen intemporelle qui traverse diverses époques depuis son origine mériméenne jusqu’à nos jours. Maria Jose Montiel, mezzo-soprano, qui a déjà chanté quatre-vingt dix Carmen différentes, son rôle fétiche, imprime au personnage la dimension emblématique de femmes qui prennent leur liberté.
En structurant sa mise en scène comme un voyage à travers le temps Ana Zamora situe le Ier acte au XIXème siècle à l’époque de l’écriture de Carmen par Mérimée, le IIe acte dans les années 1930, la guerre d’Espagne, le IIIe acte après la guerre civile, le IV acte dans l’époque contemporaine.Les quatre actes se jouent dans le même dispositif scénique : une grande rampe avec des arcades. Pas de citations d’éléments du folklore, pas non plus d’espagnolismes ni d’andalousismes, juste quelques références et signes dans les costumes et accessoires évoquant les périodes traitées. Belle utilisation de l’espace scénique, débordé parfois vers la salle : les arrivées de certains personnages ou du chœur des adolescents « la jeune garde ». En resituant l’histoire dans une dimension universelle elle inscrit les diverses connotations du personnage de Carmen dans l’évolution de la condition de la femme depuis le XIXème siècle jusqu’à nous. Pas de naturalisme dans la mise en scène.
Ana Zamora poétise l’histoire et radicalise le personnage de Carmen qui prend une résonance plus forte encore aujourd’hui où la question de la maltraitance, de la violence contre les femmes est enfin sortie sur la place publique.
Irène Sadowska Guillon
Un cycle de 7 films et une exposition sur le thème de Carmen au Musée Thyssen Bornemisza accompagnent cette création exceptionnelle du 8 octobre au 10 novembre 2014.
Carmen de Georges Bizet
Teatro de la Zarzuela à Madrid
Jovellanos, 4, Madrid
teatrodelazarzuela.mcu.es