Quai Ouest à l’Opéra national du Rhin par Angélique Lagarde
Posté par angelique lagarde le 3 octobre 2014
Quai Ouest © Alain Kaiser
Quai Ouest
Création mondiale de Régis Campo
Opéra en 30 séquences
Livret de Kristian Frédric et Florence Doublet d’après la pièce de Bernard-Marie Koltès
Direction musicale de Marcus Bosch
Mise en scène de Kristian Frédric assisté de Florence Doublet
Avec Julien Behr, Mireille Delunsch, Augustin Dikongue, Fabrice di Falco, Christophe Fel, Paul Gay, Hendrickje Van Kerckhove et Marie-Ange Todorovitch.
Les chœurs de l’Opéra national du Rhin dirigés par Sandrine Abello
L’Orchestre symphonique de Mulhouse
A l’Opéra national du Rhin, jusqu’au 10 octobre
Une malheureuse union
Création mondiale, Quai Ouest est une commande de l’Opéra national du Rhin et de l’Opéra de Nuremberg au compositeur Régis Campo afin de s’associer au travail du metteur en scène Kristian Frédric qui avait commencé à envisager les fondements de sa mise en scène et surtout de l’adaptation du livret de la pièce de Bernard-Marie Koltès. Régis Campo propose une composition remarquable qui résonne en symbiose avec le texte de Koltès. En revanche, même si Kristian Frédric dirige intelligemment ses interprètes, l’union ne s’avère pas heureuse. La subtilité que réclame l’œuvre est aux antipodes de la clameur de l’opéra.
Koch a de gros ennuis, il a décidé de fuir la société et tel un chien malade se cacher des yeux du monde pour finir ses jours. Monique sa secrétaire l’accompagne dans sa quête de repos absolu, sans trop sembler consciente ni de l’issu, ni des risques de cette escapade au cœur du néant. Quai Ouest c’est avant tout la tragédie d’un lieu, ce qu’a décrit Bernard-Marie Koltès ne sont autres que les limbes de notre société contemporaine. Comment donner à éprouver en musique et en chant lyrique ce microcosme sinistré avec ses non-dits, ses secrets et son vocabulaire sale et gras comme les mains des homme qui le compose ? C’est le pari osé qu’a accepté de relever Régis Campo et il faut l’avouer avec une certaine maestria. La partition lancinante vient se faire claquer par le fracas de la guitare électrique comme ses êtres en perdition se font claquer la porte de l’avenir.
Demeurent les mots et leurs orateurs, qu’en faire ? La mise en scène de Kristian Frédric tente d’allier les codes du théâtre contemporain à ceux de l’Opéra. Relevons pour les interprètes, une parfaite maîtrise du jeu scénique et surtout quelques voix remarquables : Julien Behr, le jeune ténor, dans le rôle de Charles, Hendrickje Van Kerckhove, la sensible soprano dans celui de Claire, sa sœur, et Fabrice di Falco qui signe ici sa seconde collaboration avec Régis Campo, dans celui du petit malfrat, Falk. Malheureusement toutes ces qualités ne suffisent pas à donner corps au propos, nous ne sommes pas chez Koltès, nous ne sommes pas à l’opéra, nous sommes dans le même brouillard que Koch. De même si les décors de Bruno de Lavenère correspondent parfaitement à l’imagerie de ce hangar, cette atmosphère très emprunte de l’esthétique des années 80, la lumière en revanche ne marque pas suffisamment de rupture pour cette pièce où la nuit et le jour sont quasi des protagonistes.
Pour reprendre les propos de Koch à son bourreau, « la rencontre ne peut donner lieu à une noce », aussi c’est à regrets que nous nous prenons à rêver de possibles adaptations mais si Koltès avait choisi d’offrir ce texte à l’écriture toute particulière à Chéreau, c’est peut-être que lui seul en avait la clé. La clameur ne peut répondre au secret. Saluons la composition de Régis Campo, la performance des interprètes et souhaitons à cette création qu’elle trouve sa tonalité.
Angélique Lagarde
Opéra national du Rhin
19 Place Broglie
67000 Strasbourg
Réservations au 03 88 75 48 01
La Filature
20, allée Nathan-Katz
68090 Mulhouse cedex
Réservations au 03 89 36 28 29