L’Opéra de Madrid par Irène Sadowska Guillon
Posté par angelique lagarde le 18 septembre 2014
Des lendemains qui chantent pour le Teatro Real
Le Teatro Real, Opéra de Madrid, âgé de 150 ans, une des scènes les plus grandes et les plus modernes quant aux équipements techniques en Europe, retrouve la santé avec une gestion exemplaire après quatre ans de crise économique et artistique sous la direction artistique polémiquée de Gérard Mortier, ancien directeur de l’Opéra de Paris. À l’horizon du Teatro Real de nouveaux projets, la volonté d’affirmer son ambition d’être à la fois une référence internationale et un modèle de nouvelle politique culturelle. Dans l’immédiat le défi est lancé dans la programmation 2014 / 2015 avec pour mots d’ordre l’excellence, l’exigence, la création contemporaine, la démocratisation de l’accès à l’opéra à travers sa politique tarifaire et éducative. À l’affiche de la saison 2014 / 2015, entre autres, deux mises en scène de Laurent Pelly. Nous retrouverons également notre grand Roberto Alagna dans Roméo et Juliette de Gounod.
Une ère nouvelle
En présentant le 12 septembre dernier la programmation de la saison 2014 / 2015 du Teatro Real, son président Gregorio Marañon annonçait avec confiance et optimisme la sortie de l’Opéra de Madrid de la crise avec 0 € de déficit et son entrée dans une nouvelle ère quant à sa gestion économique et artistique. Depuis 2010 l’Opéra traversait une zone de turbulences d’une part la crise économique, les coupes budgétaires successives, la baisse des abonnements et d’autre part les conflits et les polémiques que suscitaient la politique artistique sectaire, élitaire et la personnalité intransigeante de Gérard Mortier, son directeur artistique.
L’Opéra de Paris a vécu la même situation tourmentée sous sa direction entre 2005 et 2009. À Madrid le conflit culmine en septembre 2013 quand, autoritaire et intraitable, il annonce qu’il est malade du cancer et tente d’imposer son successeur, traitant l’équipe de directions qui s’y oppose de franquistes. Il est remplacé à son poste de directeur artistique par Joan Matabosch mais conserve jusqu’à sa mort en mars 2014 le titre de conseiller artistique.
Une gestion responsable et réaliste
Aujourd’hui le calme est revenu, l’Opéra prend un nouveau départ avec une programmation brillante concoctée par Joan Matabosch et avec une situation économique redressée.Son équipe a fait preuve durant la crise d’une gestion réaliste et responsable. Alors qu’entre 2011 et 2014 les subventions publiques sont réduites de quasi moitié, l’Opéra est obligé de revoir à la baisse les frais de personnel, de fonctionnement et de renforcer le mécénat privé qui atteint aujourd’hui 10,4 millions. De même les recettes de billetterie et les abonnements sont depuis 2013 en hausse constante.
Le nouveau cap de la politique du Teatro Real est de consolider ce modèle de gestion économique, d’augmenter la fréquentation du théâtre qui est aujourd’hui de 90 % à travers une politique tarifaire ouvrant davantage à tous l’accès à l’Opéra. On développe en même temps la promotion des œuvres et des spectacles présentés à travers le portail Internet, la captation et les éditions des spectacles en DVD enfin leur diffusion à la TV 2 et à la Radio Nationale.
La création privilégiée dans une programmation éclectique.
La saison 2014 / 2015 s’ouvre avec deux œuvres de Mozart, son opéra bouffe Les noces de Figaro (du 15 au 27 septembre) et son Requiem, présenté le 20 septembre à la Cathédrale de Tolède dans le cadre de la célébration du 400e anniversaire de la mort du peintre tolédan El Greco. Les deux œuvres sous la baguette de Ivor Bolton, le nouveau directeur musical du Teatro Real, grand spécialiste de Mozart.
Dans sa mise en scène Emilio Sagi situe Les noces de Figaro au début du XVIIIème siècle. à Séville. En imprimant à cet opéra bouffe une ambiance andalouse et au jeu des chanteurs, formidables acteurs, une gestuelle de flamenco, les mouvements rapides, les entrées et sorties instantanées, Emilio Sagi nous éblouit par son art de magicien du théâtre. Au-delà d’une recherche esthétique, l’art de structurer l’espace et les plans du jeu, de composer les scènes d’une grande plasticité des images rappelant les tableaux de Goya et parfois de Velázquez Emilio Sagi relève dans sa mise en scène le contenu politique et social de l’œuvre à la fois dans le traitement des rapports entre les maîtres et les serviteurs et dans les costumes goyesques de l’époque, marquant les différences de classes.
Dans la programmation 10 opéras dont 2 en version concert, plusieurs créations contemporaines dont une création mondiale : El publico d’après El publico de Lorca, musique de Mauricio Sotelo. Laurent Pelly mettra en scène La fille du régiment de Donizetti en octobre, novembre 2014 et Hänsel und Gretel de E. Humperdinck en janvier 2015. Dans Romeo et Juliette de Gounod en version concert nous retrouverons entre autres Roberto Alagna (Roméo).
En juin et juillet 2015, nous pourrons voir, présentés en diptyque, Goyescas de Granado, version concert, dirigée par le grand Placido Domingo qui à 75 ans est toujours présent sur les scènes et Gianni Schicchi de Puccini dans une mise en scène de Woody Allen avec Placido Domingo dans le rôle titre. Trois grands spectacles de danse contemporaine : Victor Ullate – Ballet de Madrid avec L’amour sorcier de Manuel de Falla, les Ballets de Hambourg avec Mort à Venise et le Nederlands Dans Theater avec Sehnsucht complèteront cette riche programmation.
À un peu plus d’une heure de vol de Paris l’Opéra de Madrid, offrant des créations audacieuses comme celle de Woody Allen, ou encore de grandes voix comme Placido Domingo, Roberto Alagna ou Philippe Jaruski, mérite le détour !
Irène Sadowska Guillon
Teatro Real
Plaza de Oriente
Madrid
Réservations : 00 34 91 516 06 60
www.teatroreal.com