L’Homme aux Loups à La Tache d’encre – Avignon Off – par Amélie Tschupp
Posté par angelique lagarde le 24 juillet 2014
L’Homme aux Loups © Isabelle Gaulon
L’Homme aux Loups
D’après le conte d’Anne Jonas
Création collective de la compagnie du Chameau
Scénographie de Sophie Pigelin
Avec Elisabeth Urlic, Béatrice Vincent et Xavier Clion en alternance avec Benoît Piel.
A la Tache d’encre – Avignon Off – du 5 au 27 juillet à 14h
La peur se nourrit de la peur
On ne devient loup que dans le regard de l’autre. Il fut un temps où les loups rôdaient près des villes et enlevaient les enfants pour les manger. La peur ancestrale du loup demeure gravée dans les terreurs enfantines. Ce conte moderne nous montre que les loups ne sont pas les pires prédateurs. Une fable contemporaine qui séduit toutes les générations.
Il était une fois, un conte tel que ceux qu’on nous l’a relaté durant notre enfance. Le Roi Irawen et la belle Reine June gouvernent en paix les hauts plateaux du vent. Ils s’aiment et vivent des jours heureux. En somme, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Jusqu’au jour où un messager envoyé par Malgfrid, Roi du Royaume d’en bas, vient rompre cette quiétude ; Malgfrid a ouï dire de l’extraordinaire beauté de June et réclame qu’elle lui soit livrée pour devenir son épouse. Irawen est conscient que cet homme, dont la cruauté est légendaire, n’hésiterait pas à mettre son royaume à feu et à sang s’il refuse de lui donner ce qu’il convoite. Sur la suggestion de son ami Hélias, Irawen élabore un stratagème visant à éviter la guerre. A la place de June, il envoie Boromée à Malgfrid, femme dont la beauté égale celle de la reine. Boromée consent à réaliser ce sacrifice afin que ses parents, dans la misère, reçoivent des terres à cultiver. Elle obtient également du Roi Irawen la faveur de devenir la marraine de son premier enfant. Après le départ de Boromée, tous les problèmes d’Irawen semblent s’être envolés. Mais cette paix ne durera pas ; il s’agit simplement du calme avant la tempête… Une tempête qui rendra Irawen fou de douleur, et le conduira à devenir petit à petit un loup parmi les hommes.
Ce conte évoque sans fards les aléas de la vie : les trahisons, les morts, les replis sur soi… La façon dont il le fait ne choque pas les très jeunes spectateurs. La pièce parvient à explorer le cœur des problèmes en douceur. Elle transmet un message explicite : le danger ne vient pas que des autres, il peut provenir de nous-mêmes. La douleur qui ronge notre cœur peut nous isoler de nos semblables, nous enfermer dans la violence. Progressivement, elle parvient à nous faire perdre notre humanité. Mais ce conte est aussi porteur d’espoir : il montre que nous sommes en mesure de ramener ceux qui se sont transformés en loups parmi les hommes.
La mise en scène utilise le théâtre d’ombres pour figurer les décors. Le jeu d’ombre et de lumière permet des effets saisissants. Grâce à la mise en scène, nous sommes transportés dans un monde où la magie, la fantasmagorie et la poésie nous émeuvent. Le manteau du Roi Irawen mériterait le Molière des costumes. En outre, le son du violoncelle, joué par, donne le rythme au récit.
Les comédiens sont polyvalents. Béatrice Vincent joue une multitude de rôles, aussi bien masculins que féminins : elle peut jouer le messager de Malgfrid, mais également la vieille nourrice d’Irawen. Quant à Elisabeth Urlic, elle ne se contente pas de l’interprétation musicale et joue également le rôle de Boromée. Enfin, Xavier Clion est un roi dont le désespoir nous touche au cœur. L’Homme aux Loups est un beau spectacle qui ravira toutes les générations.
Amélie Tschupp
La Tache d’encre
1, rue de la Tarasque
84000 Avignon