Sélection Marionnette et arts associés – Avignon Off par Angélique Lagarde
Posté par angelique lagarde le 20 juillet 2014
Le Jardinier © Marc Braem
Une belle édition pour la marionnette !
Parmi la diversité des propositions qu’offre le Festival Off Avignon, chaque année la marionnette fait montre de ses plus beaux atours pour se démarquer et y parvient ! Voici notre sélection : Le jardinier et Anne Frank, « Le journal » au Chapeau d’Ebène Théâtre, Octopoulpe le Vilain au Théâtre Girasole, Couac à la Caserne des pompiers, éo au Grenier à sel et Noir ou blanc à l’Espace Alya.
Le jardinier de Mike Kenny – Mise en scène d’Agnès Renaud au Chapeau d’Ebène Théâtre à 10h25 jusqu’au 27 juillet – Marionnette-objet, Tout public (à partir de 7 ans) – Coup de cœur
Interprété par Brice Coupey, Le jardinier est un petit bijou d’ingéniosité et de sensibilité qui touchera toutes les générations. Sur le thème de la transmission, la pièce s’ouvre sur Joe qui commence à perdre un peu la mémoire et se replonge alors pour nous, avec nous dans ses souvenirs d’enfance. Il nous invite dans le potager de son vieil oncle Harry qui lui a appris bien plus qu’à jardiner, mais à appréhender les saisons de la vie. Les enfants se retrouveront dans les doutes, les interrogations et la jalousie du petit Joe envers sa petite sœur, les plus âgés ne pourront être que profondément émus par cet aîné que nous avons tous connu, qui a su nous transmettre et qui est parti…
Le dispositif scénique étonnant de ce spectacle est composé d’un manège comprenant des tas de coffrets dans lesquels sont rangés les objets qui peu à peu prennent vie dans les mains de Brice Coupey. Nous l’avions déjà applaudi l’an passé dans Mon nom est rouge, aussi nous sommes ravis de saluer encore une fois cet excellent interprète qui maîtrise à la fois le jeu et la manipulation. A ne pas manquer !
Anne Frank, « Le journal » © Nicolas Franchot
Anne Frank, « Le journal » – D’après l’adaptation d’Albert Hackett et Frances Goodrich – Mise en scène de Julia Picquet au Chapeau d’Ebène Théâtre a 11h50 jusqu’au 27 juillet – Marionnette-objet, Tout public (à partir de 12 ans) – Coup de cœur
Comme cette mise en scène est brillante ! Le journal d’Anne Frank, le regard de cette jeune fille de 13 ans sur les conditions de survie d’une famille juive contrainte à vivre cachée sous l’occupation nazi, est sublimé ici par la mise en scène de Julia Picquet et l’interprétation de Johanna Boyé. La vivacité et l’humour que la comédienne transmet à son personnage éloigne de tout sentimentalisme pour faire place au vrai, et l’issue fatale que l’on sait n’en est que plus poignante.
L’utilisation de marionnettes à taille humaine pour représenter la famille et les voisins d’Anne Frank crée de surcroît une distance qui paradoxalement permet d’aller plus avant encore dans la vérité de chaque individu. Les manipulateurs, Lisa Lefort et Thomas Marceul donnent corps à tous ces protagonistes avec pour chacun, au-delà des traits de la marionnette, une particularité dans la démarche et dans la voix, de sorte qu’ils finissent par tous exister. La scénographie est sobre, la manipulation fluide, l’interprétation parfaite, Anne Frank, « Le journal » est un spectacle de qualité à voir absolument !
Octopoulpe le vilain de Laurent Bazin – Mise en scène de David Girondin Moab au Girasole à 14h jusqu’au 27 juillet – Théâtre d’ombre et vidéo, Tout public (à partir de 10 ans)
Cette dernière création de la compagnie Pseudonymo nous plonge dans l’univers des Comics. La trame est donc moins fouillée qu’à l’accoutumé, d’une part puisqu’elle correspond aux archétypes linéaires du récit de « super-héros », d’autre part pour se soumettre aux contraintes techniques de l’ombre et de la vidéo. Octopoulpe le vilain est donc l’histoire de Nathan Baldwin, un enfant éprouvette fruit de croisements génétiques entre humains et poulpes. Le petit garçon sera confié à une famille d’accueil uniquement intéressée par la belle retraite que l’éducation de Nathan jusqu’à ses 14 ans lui apportera. Peu à peu, l’adolescent va prendre conscience de sa particularité et se retrouvera confronter à ses origines.
Si le récit profondément manichéen est un peu lisse, hormis quelques notes d’humour adressées aux spectateurs plus mâtures, la qualité esthétique du spectacle et la maîtrise des techniques est indéniable. A voir pour découvrir une approche de la marionnette originale et parfaitement maîtrisée alliant manipulation, ombre et vidéo.
Couac d’Après Andersen – Mise en scène d’Angélique Friant à la Caserne des Pompiers à 11h jusqu’au 23 juillet – Marionnette-objet et vidéo, Jeune public (à partir de 2 ans)
La compagnie Succursale 101 revient cette année à la Caserne des Pompiers pour une création à l’attention du très jeune public, librement inspirée du Vilain petit canard d’Andersen. A l’image de ce qui nous avait séduit dans Laboratorium en 2010, la technique est ici encore parfaitement maîtrisée. La vidéo crée le milieu naturel où l’on verra un œuf éclore et devenir un oiseau… Oui, mais lequel, là est la question ? Une chose est certaine, ce n’est pas un canard, mais qu’est-ce donc ?
Les images et la vidéo forment une belle toile de fond à cette quête initiatique, malheureusement un peu trop didactique. Une jolie forme en devenir, même si l’on aurait souhaité des gestes plus précis de l’interprète, un peu moins d’explication et un peu plus de poésie. Néanmoins, le public visé a semblé plus que comblé, l’un d’entre eux s’exaltant à la sortie « il est trop beau le pestacle !», que dire de plus ? A voir avec son âme d’enfant.
éo © Aurélie Harot
éo – Compagnie CréatureS au Grenier à sel à 12h05 jusqu’au 26 juillet – Marionnette-objet, Jeune public (à partir de 2 ans) – Coup de cœur
Spectacle musical à destination du très jeune public, éo nous entraîne sur des territoires inconnus à la rencontre d’un mystérieux pantin qui parle la musique. Un musicien vient faire sonner tour a tour divers objets et matières pensés par le facteur d’instruments Charles Spehar comme des branches qui craquellent ou des carillons de vent en bambou afin de créer un univers sonore agencé par Joseph Jaouen à la fois onirique et proche des sons d’une forêt tropicale. Au cœur de ce dispositif un nid s’ouvre alors et apparaît un pantin de bois, médiateur de ce nouveau monde qui nous transmet sa poésie musicale.
Les dextérités mêlées d’Hubert Jégat, marionnettiste et de Richard Graille, musicien, nous transporte pour une demi-heure de voyage visuel et auditif qui charme petits et grands. L’harmonie de cette proposition tient également à l’alliance très juste de la scénographie de Bernard Jégat et Michel Bernad et de la mise en lumière de Paul Foresto. A voir avec les oreilles !
Noir ou Blanc © compagnie Papierthéâtre
Noir ou Blanc de Narguess Majd à l’Esapce Alya à 10h15 jusqu’au 27 juillet – Théâtre de papier, Tout public (à partir de 6 ans) – Coup de cœur
Narguess Madj propose ici une quête initiatique en quelques tableaux au travers desquels un petit garçon laissera peu à peu disparaître son grand-père ou plutôt apprendra à le garder à tout jamais « dans sa tête » pour reprendre ses mots. Inspiré de Mathias et son grand-père de Roberto Piumini, le récit aborde les grands thèmes liés à la construction de soi, l’appréhension de l’autre, le danger du mensonge et la nécessité de la réflexion pour dénouer les situations les plus délicate. A la poursuite d’un mystérieux cheval, c’est sa vérité que le petit garçon va rencontrer.
Membre de la compagnie Papierthéâtre depuis 2008 auprès d’Alain Lecucq qui l’accompagne dans cette création, Narguess Madj signe ici sa première mise en scène et nous souhaitons le succès qu’elle mérite pour cette réalisation intelligente qui ouvre le dialogue entre enfants et aînés sur des sujets parfois délicats à aborder. A voir également pour découvrir cette technique particulière du théâtre de papier parfaitement maîtrisée.
Angélique Lagarde