Futur composé – rencontre avec le metteur en scène Olivier Couder pour sa mise en scène de Blanche Neige par Angélique Lagarde
Posté par angelique lagarde le 28 juin 2014
Exposition de l’association Zig Zag Color à l’Hôtel de Ville de Paris © Benoit Fort
Blanche Neige
Comédie Ballet
De Gilles Roland-Manuel
D’après le conte des Frères Grimm
Mise en scène d’Olivier Couder
Au Théâtre Le Monfort jusqu’au 29 juin dans le cadre du Festival Futur Composé
Autisme et théâtre pour une nouvelle poétique du monde
Depuis le 19 et jusqu’au 29 juin, se tient la 14ème édition du festival Futur Composé qui ouvre au grand public le résultat de travaux artistiques de jeunes autistes. Nous avons eu la chance d’assister à une superbe exposition itinérante de l’association Zig Zag Color, à une soirée d’ouverture au rythme du slam du Collectif Astéréotypie accompagné par les musiciens du groupe Moriarty et à une représentation de Blanche neige dans une version adapté par Gilles Roland Manuel et mise en scène par Olivier Couder. Ce dernier, directeur artistique du Théâtre de Cristal, accoutumé au travail avec des interprètes en situation de handicap, a accepté d’échanger quelques mots pour nous expliciter son engagement au sein du Futur Composé.
Kourandart : Comment avez-vous abordé cette mise en scène avec ses contraintes particulières liées à l’identité du Futur Composé ?
Olivier Couder : Gilles Rolland Manuel m’a proposé ce projet qui en effet contenait un certain nombre d’éléments de départ : l’adaptation qu’il avait faite du conte des frères Grimm, la musique de Haendel, Purcell et Vivaldi, et bien entendu le fait de travailler avec des institutions et des personnes autistes. La demande du Futur Composé était qu’il y ait un maximum de personnes autistes sur scène et qu’une diversité d’institutions participantes soient représentées. J’ai joué le jeu et on a accepté de plus en plus de monde y compris certains dont la pathologie était plus lourde, ce dont je me félicite parce que le résultat est là pour montrer que non seulement, ce n’est pas forcément très compliqué, ni très difficile. Je me suis aperçu que plus les autistes sont dans une certaine fermeture à la société et aux usages culturels environnants, plus ils développent une particularité dans le rapport à eux-mêmes, au corps, à l’espace, au temps. C’est intéressant pour un metteur en scène parce que le jeu qu’ils composent sur le plateau est extrêmement personnel, particulier, original.
Vous travaillez de longue date avec des personnes en situation de handicap et des autistes avec le Théâtre de Cristal, quelle est le fonctionnement de votre compagnie ?
En effet, au Théâtre de Cristal ce ne sont pas forcément des autistes, il y en a un mais ce sont plutôt des personnes en situation de handicaps divers, psychique beaucoup et nous travaillons en collaboration avec un Esat (Etablissement et services d’aide par le travail), ce qui nous permet de travailler à plein temps avec eux et d’avoir pu créer un atelier professionnel dans lequel ils sont engagés à plein temps. Ils ont maintenant acquis je crois une maturité, c’est une formation qui leur permet d’avoir une véritable pertinence de jeu.
Les comédiens du Théâtre de Cristal font donc partie de la distribution de Blanche Neige…
Tout à fait, il y avait une douzaine de comédiens du Théâtre du Cristal, une vingtaine d’autistes et une dizaine d’éducateurs et trois interprètes non handicapés.
Les éducateurs sont présents sur scène ?
Oui, j’ai pris le parti de les faire jouer. Le danger pour un metteur en scène serait que les éducateurs soient là pour donner la main aux autistes, faciliter leurs entrées et sorties, les placer, instrumentaliser les autistes. C’est malheureusement ce que j’ai pu voir souvent, l’on croit faire œuvre de compassion et finalement cela se rapproche du comportement de parents abusifs. Cela a été très vite, mais dans les ateliers que j’ai pu faire au début, puisqu’on s’est vu une fois par semaine avec les autistes, j’ai vraiment repéré qu’ils étaient accessibles pour la plupart d’entre eux à la convention théâtrale. Le premier exercice qu’on a fait c’était une entrée, une action et une sortie pour repérer l’espace et le temps théâtraux, l’univers de la fiction. Ils se sont-ils presque tous prêté au jeu, peut-être que pour deux ou trois je me suis demandé s’ils avaient vraiment compris… Les autres ont clairement compris.
Vous leur avait fait aussi travaillé la voltige, l’équilibre, le résultat est stupéfiant, cela a pris combien de temps pour se mettre en place ?
C’est Seiline Vallée qui elle-même fait du ruban, qui a « sous-traité » cette partie acrobatique ? C’est pareil, c’était sous forme d’ateliers hebdomadaires mais je ne crois pas qu’il y en ait eu beaucoup. Nous avons eu la chance d’avoir Thomas, un membre du Théâtre de Cristal, qui est un excellent comédien et danseur et les deux autres autistes d’institutions qui ont acquis cette pratique assez rapidement.
Blanche Neige © Pierre François
C’est votre première mise en scène pour le Futur Composé, mais vous participer aux activités du festival depuis ses débuts…
Oui, la première année, dans ce cadre le Théâtre de Cristal était venu interpréter Un riche, trois pauvres de Louis Calaferte. Au début le Futur Composé diffusait des spectacles donc nous y avons joué quelques fois. Ensuite la formule a changé et nous avons mis à disposition nos comédiens, qui sont des comédiens professionnels qui ont vocation à travailler avec différents metteur en scène. C’était notre projet de départ de ne pas avoir de metteur en scène exclusif pour intégrer nos comédiens à la création contemporaine que ce soit dans le cadre du Futur composé, pour de la figuration sur des longs métrage ou des partenariats avec des metteurs en scène extérieurs.
Et donc pour cette création, c’est un atelier à l’année que vous avez proposé ?
Oui, un atelier hebdomadaire depuis le mois de novembre, puis comme nous avons cette liberté de pouvoir faire un travail à plein temps avec les comédiens de la compagnie, nous avons répété certaines scènes dans nos locaux.
Comment avez-vous perçu cette adaptation de Blanche Neige de Gilles Roland-Manuel et qu’avez-vous eu envie de faire dire aux interprètes ?
Mon parti pris pour faire coïncider au mieux le conte avec la problématique autistique, a été de trouver dans les personnages de pouvoir et les personnages sociaux, un dérèglement égal à celui supposé de l’autisme. Le dérèglement de l’autisme pouvait ainsi renvoyer au dérèglement plus général de la société. Dans ma tête, je faisais très clairement référence aux tableaux de Bruegel comme Le Combat de carnaval et de carême par exemple où l’on voit que la société marche sur la tête et que les fous sont aussi fous qu’elle peut bien l’être !
Pour conclure, de manière générale, qu’est-ce que cela vous offre en tant que metteur en scène de travailler avec des interprètes en situation de handicap ?
Ce qui est intéressant c’est la façon dont ils peuvent résoudre différemment la question du jeu théâtral. Ce sont des comédiens qui offrent une palette et des surprises sur des façons de jouer, d’improviser, de proposer des choses que je crois jamais un comédien professionnel ne pourrait faire. Et pour ce qui est des autistes, comme ils sont très éloignés de l’influence sociale dominante, ils arrivent à développer ce qui pourrait être un art brut au théâtre alors que les personnes en situation de handicaps psychiques sont très perméables au champ social. Par exemple, lorsqu’on travaille avec des trisomiques, la thématique du mariage revient neuf fois sur dix, donc cela donne des images convenues qui sont très loin d’un art brut, mais qui sont dans la reproduction des figures dominantes. Avec les autistes, nous avons accès à une poétique du monde très singulière à chaque création.
De beaux moments ont donc rythmé cette 14ème édition du Futur Composé, festival que nous vous incitons à découvrir, nous félicitions tous les interprètes et ne pouvons omettre de mentionner notre petit coup de cœur pour le jeune Stanislas dans l’émotion de sa partition slamée et dans la dérision de son personnage Monsieur de la Moustache dans Blanche Neige. Merci à toute l’équipe pour cette formidable initiative à laquelle nous souhaitons longue vie !
Stanislas et les musiciens de Moriarty © Benoit Fort
Le Monfort
106, rue Brancion
75015 Paris
Réservations au 01 56 08 33 88
Site du festival : http://www.festivalfuturcompose.org