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Roméo et Juliette d’après Shakespeare – Mise en scène d’Omar Porras au Théâtre 71 Malakoff par Irène Sadowska Guillon

Posté par angelique lagarde le 14 octobre 2013

Roméo et Juliette d'après Shakespeare - Mise en scène d’Omar Porras au Théâtre 71 Malakoff par Irène Sadowska Guillon dans Marionnettes romeo-088dr-2-300x200

Roméo et Juliette – Omar Porras © K.Miura

Roméo et Juliette
D’après Shakespeare
Adaptation et mise en scène d’Omar Porras
Spectacle en français et japonais surtitré en français
Avec Adrien Gygax, Tsuyoshi Kijima, Pierre-Yves Le Louarn, Micari, Yoneji Ouchi, Morimasa Takeishi, Momoyo Tateno, Takahiko Watanabe, Miyuki Yamamoto et Ryo Yoshimi.
Au Théâtre 71 Malakoff jusqu’au 19 octobre

Les sacrifiés

Depuis quelques années, Roméo et Juliette de Shakespeare bénéficie d’un regain d’intérêt des metteurs en scène qui proposent des lectures contemporaines diverses et variées de l’histoire d’amour du jeune couple empêché par la haine féroce que se vouent leurs familles. Dans sa mise en scène réalisée au Japon avec en majorité des acteurs japonais, Omar Porras ne cherche pas à passer la pièce par le prisme de l’actualité, fatalement réducteur, mais au contraire saisit sa substance universelle, intemporelle. Ce conte où l’amour transgresse le tabou, la haine clanique, affronte et ruse avec la mort, fait résonner toutes sortes de conflits, de luttes familiales, ethniques, voire idéologiques, religieuses dont la jeunesse fait les frais. C’est une rencontre de haut vol qui s’accomplit ici entre le metteur en scène suisso – colombien et les fascinants interprètes japonais se coulant magnifiquement dans la fantaisie décalée de l’esthétique scénique porrasienne infiltrée par l’esprit du Kabuki et du Bunraku. Un grand théâtre populaire, exigeant et intelligent.

Colombien, installé en Suisse, arpenteur des scènes du monde, Omar Porras est un addict de la diversité autant dans sa compagnie, Teatro Malandro (fondée en 1990) réunissant des acteurs de cultures et de traditions théâtrales différentes que dans son langage scénique intégrant le théâtre, la danse, la musique, le masque, les marionnettes, nourri des techniques occidentales et orientales. Sa rencontre avec le Japon et la troupe de Théâtre SPAC, fondée par le maître Tadashi Suzuki, date de 1999. La complicité théâtrale entre le Teatro Malandro et la troupe SPAC à Shizuoka se noue, aboutissant à plusieurs créations communes, dont Roméo et Juliette d’après Shakespeare créé en 2013.

L’histoire d’un amour tabou, de l’amour passionné de Roméo Montaigu et de Juliette Capulet « dont les familles se vouent une haine sans trêve, transmise d’une génération à l’autre sans que personne n’en connaisse les fondements. » Alors qu’un prêtre, frère Laurent, marie secrètement les jeunes amants, Roméo, à la suite d’un duel et du meurtre d’un Capulet, est banni de Vérone. Pour échapper au mariage forcé avec le comte Paris concocté par son père, Juliette aidée par le frère Laurent prend une potion pour simuler sa mort pendant 48 heures. Ignorant le subterfuge, voyant sa jeune épouse morte, Roméo s’empoisonne. Juliette, réveillée découvre son mari mort et se tue à son tour. Les conflits claniques ancestraux prenant des formes contemporaines se perpétuent toujours entraînant les jeunes générations dans leur engrenage.

Omar Porras relève dans son spectacle le thème du refus de perpétuer la haine clanique et la soumission au pouvoir castrateur des pères, incarné par Roméo et Juliette, en conservant leur caractère emblématique et métaphorique. Il fait advenir une scène du monde dans l’ici et maintenant du théâtre en croisant les cultures et les traditions théâtrales différentes et en réussissant une parfaite symbiose dans la conception de l’espace et dans le jeu entre la scène élisabéthaine, la commedia dell’arte et la tradition théâtrale japonaise. Une sorte de théâtre du monde globalisé à la fois ancestral et intemporel.

Une série de colonnes en bois entourent la scène en demi-cercle. Entre ces colonnes descendent parfois des rideaux blancs, transparents, qui tels des paravents, délimitent l’espace. Au fond un rideau par lequel arrivent certains éléments scéniques. Une très grande boîte rectangulaire avec des portes (la chambre de Juliette) avance, recule, selon les situations. A certains moments les personnages se déplacent sur des petits praticables à roulettes, ce qui amplifie encore la rapidité, la fluidité des mouvements et l’instantanéité des apparitions.

Le spectacle s’ouvre par un prologue, envoi au public, en référence à Shakespeare « nous allons vous raconter l’histoire… » par les acteurs en long manteau gris coiffés d’un chapeau pointu. Puis les acteurs reprennent leur rôle. Les costumes mêlent les références occidentales et orientales. Ainsi les jupes blanches à cerceaux, culottes bouffantes pour les servantes, le comte Paris en habit de Cour, frère Laurent en robe de bure, les costumes japonais pour les autres personnages.

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Roméo et Juliette – Omar Porras © K.Miura

La trame du spectacle condense la pièce en déroulant tous les événements dans un rythme extrêmement rapide. Tout advient comme par magie. On ne cesse d’être surpris et fasciné par des inventions et des images, souvent drôles, voire grotesques, triviales, parfois anachroniques, comme les servantes nettoyant la scène avec des fauberts avant le bal, ou encore, en référence à la tradition Bunraku, les acteurs en noir portant et manipulant des objets : arbres, fleurs, pierres, suggérant des lieux, des paysages. Dans la scène du bal, Roméo porte un masque de tête de poisson et ses deux comparses des têtes de lapin.

Belle harmonie du jeu vif, expressif, parfois grotesque. Pas de dissonance entre les trois acteurs européens et les sept acteurs japonais tenant tous avec une maîtrise parfaite un jeu à la fois débordant d’énergie et chorégraphié comme la danse combat. Un très beau final, la scène de la mort des deux amants : Roméo mimant l’action alors que son texte est dit en voix off par un chœur, Juliette se tuant aussi dans une scène sans paroles. La dernière image est celle de frère Laurent qui, arrivé trop tard, face au désastre et à l’échec de sa démarche de pacificateur des deux clans, reste muet d’horreur, bouche ouverte, son expression rappelant Le cri de Munch… Comme si soudain on basculait du conte dans la réalité : pas de paix au final, pas de réconciliation, la guerre continue à dévorer ses victimes.

Les éclairages, comme toujours chez Omar Porras, très soignés, et la musique, mélange de sonorités orientales et occidentales, font partie intégrante de la dramaturgie scénique de cette belle version nipponne de Roméo et Juliette.

Irène Sadowska Guillon

Théâtre 71 Malakoff
3 place du 11 novembre
92240 Malakoff
Réservations au 01 55 48 91 00

Tournée
Corbeil-Essonnes, les 8 et 9 novembre
CNCDC Châteauvallon, le 15 novembre
Bonlieu Annecy, les 20 et 22 novembre
Comédie de Caen, les 18 et 19 décembre

 

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