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Surmarionnettes et mannequins Craig, Kantor et leurs héritages contemporains aux Editions l’Entretemps par Irène Sadowska Guillon

Posté par angelique lagarde le 16 septembre 2013

Surmarionnettes et mannequins Craig, Kantor et leurs héritages contemporains aux Editions l’Entretemps par Irène Sadowska Guillon dans Critique en ligne 1decouv_surmarionnette-208x300

Surmarionnettes et mannequins
Craig, Kantor et leurs héritages contemporains
Sous la direction de Carole Guidicelli
(en version intégralement bilingue franco-anglaise)
Inclus le documentaire en DVD  de Marie Vayssière et Stéphane Nota :
« 1+1=0 » une très courte leçon de Tadeusz Kantor
Aux Editions l’Entretemps – Collection La main qui parle
Une publication réalisée en co-édition avec l’Institut International de la Marionnette

Le double artificiel de l’acteur

L’ouvrage Surmarionnettes et mannequins, Craig, Kantor et leurs héritages contemporains, rassemble les actes du colloque international organisé en 2012 par l’Institut International de la Marionnette. A partir des héritages de Craig et de Kantor les auteurs examinent du point de vue esthétique, poétique, philosophique, anthropologique, les démarches représentatives de l’extraordinaire diversité sur nos scènes des formes animées jusqu’à la manipulation d’images ou aux androïdes d’Oriza Hirata. L’ensemble des interventions (publiées toutes en français et en anglais), mettant en perspective et recontextualisant les pratiques récentes, apporte un éclairage précieux et nouveau sur les écritures scéniques relevant des formes plurielles de la marionnette.

D’où vient et à quoi correspond cette fascination pour un théâtre d’effigie perpétuée à travers les siècles ? Ne révèle-t-elle pas cet obscur désir de percer, au-delà du représenté, le mystère de la vie et de la mort ? Le théâtre n’est-il pas dès ses origines un lieu par excellence de la manifestation de la mort reconvertie en vie, du corps inanimé prenant vie ? Edouard Gordon Craig puis Tadeusz Kantor se saisissent de ce phénomène, le théorisent et le radicalisent : l’un en remplaçant l’acteur par son double artificiel, la surmarionnette, l’autre faisant entrer en scène dans son « théâtre de la mort » le mannequin accompagnant l’acteur vivant. Ils constituent le chaînon manquant reliant le patrimoine et la création contemporaine explorant les relations entre le corps biologique et le corps artificiel, voire virtuel.

Dans son manifeste de 1907 L’acteur et la surmarionnette Edward Gordon Craig explicite le credo de sa démarche : « Mon but sera plutôt de saisir quelques lointains états de cet esprit que nous appelons la mort… » et propose de remplacer l’acteur par la surmarionnette pour rapprocher ainsi l’art du théâtre de « sa splendeur originelle perdue aux jours lointains où sur les rives du Gange les actrices vivantes cherchaient à imiter les figures inanimées des temples. » Pour mettre en œuvre son postulat il écrit Le théâtre des fous, cycle de pièces pour marionnettes publié en édition bilingue par l’Institut International de la Marionnette. Soixante-dis ans plus tard, dans son manifeste Le théâtre de la mort Tadeusz Kantor va à l’encontre du mythe craigien de la naissance de l’acteur, faisant de celui-ci un être habité par la mort, le mannequin qui l’accompagne sur scène le reliant au territoire de la mort, la source du théâtre. Autant Craig que Kantor associent étroitement le théâtre à l’image de la mort.

Quels rapports entretiennent les artistes d’aujourd’hui avec la surmarionnette de Craig et le mannequin de Kantor dans leur poétique scénique de l’effigie ? La première partie de l’ouvrage Craig au plus près réunit les communications qui, à partir des témoignages inédits et des recherches récentes, font retour sur l’œuvre de Craig. Ainsi, Didier Plassard identifie-t-il un principe fondateur récurrent du projet théâtral craigien. Patrick Le Bœuf concentre sa recherche sur la surmarionnette et l’influence qu’elle a exercée sur les réformateurs du théâtre tout aussi différents que Oscar Schlemmer, ou Étienne Decroux. Marc  Duvillier étudie les sources littéraires et théâtrales du Théâtre des fous. Parmi les thèmes craigiens abordés : le rôle de l’œuvre de Craig dans le renouvellement de l’approche de Shakespeare.

La deuxième partie de l’ouvrage Esthétique de la mort et théâtralité du simulacre croise les approches esthétiques et anthropologiques du théâtre de l’effigie. Le lien entre le rituel d’animation de la matière et un courant du théâtre : Craig, Maeterlinck, Kantor, Régy, est analysé par Monique Borie, tandis que le lien de Craig à la culture allemande, en particulier aux figures rilkiennes de l’absence et de la mort, les diverses alternatives à la présence physique de l’acteur et les modalités de son effacement font l’objet de l’étude de Crisitina Grazioli. Martin Leach, lui, dégage dans les derniers spectacles de Kantor l’imprégnation par le constructivisme russe et la marque des icônes orthodoxes. Quant à Valentina Valentini étudie la relation entre l’utilisation de l’objet pauvre associé à la pratique du happening, des emballages et l’invention d’un objet acteur. Puis, Maja Saraczynska Laroche propose une analyse très pertinente du travail du metteur en scène polonais Andrzej Woron qui, au croisement de l’univers scénique de Kantor et de l’imaginaire littéraire de Bruno Schultz, invente un troisième type d’acteur « le surobjet ». Enfin les divers aspects de la problématique de la théâtralité du simulacre sont examinés par Ariane Martinez, Catherine Bouko, Mischa Twitchin et Amos Fergombé.

Les communications réunies dans la troisième parti Spectres et mannequins sur la scène contemporaine interrogent les évolutions récentes des rapports entre l’inanimé et le vivant dans la pratique scénique. Ainsi par exemple Sylvia Mei dégage-t-elle les aspects iconographiques dans les démarches de la nouvelle vague du théâtre italien des années 2000. Julia Dobson aborde les questions des mannequins dans le travail de Gisèle Vienne, du simulacre et des déclinaisons de la spectralité dans les spectacles de Bérengère Vantusso, de David Girondin-Moab et de Gisèle Vienne. Parmi les expériences limites autour du corps artificiel Simon Hagemann s’intéresse au phénomène du simulacre mécanique d’interprètes vivants dans le travail du créateur japonais Oriza Hirata qui transforme des robots en acteurs.

Comprenant un cahier photos et un DVD d’une leçon de Kantor, cet ouvrage trace avec une rare clarté quelques lignes généalogiques des pratiques scéniques actuelles difficiles à aborder par le spectateur laïc. Et si, au lieu de creuser l’abîme d’incompréhension entre cette création inédite transgressive des règles du théâtre et le public on suivait l’exemple de ce volume qui nous éclaire sur ses ancrages et ses enjeux ?

Irène Sadowska Guillon

Surmarionnettes et mannequins
Craig, Kantor et leurs héritages contemporains
Sous la direction de Carole Guidicelli
(en version intégralement bilingue franco-anglaise)
Inclus le documentaire en DVD de Marie Vayssière et Stéphane Nota :
« 1+1=0 » une très courte leçon de Tadeusz Kantor
Aux Editions l’Entretemps – Collection La main qui parle
Une publication réalisée en co-édition avec l’Institut International de la Marionnette
512 pages, prix : 35 €
Commande en librairie ou en ligne : www.entretemps.org

 

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