Marionnettes et autres formes – La sélection du Festival d’Avignon Off 2013 par Angélique Lagarde

Exposition Portraits manipulés © Christophe Loiseau
Romuald Collinet (Cie la Pendue) Lac de Paladru Bois d’amour

Marionnettes, théâtre de papier, jeune public musical, ciné-concert… laissez-vous surprendre !

Le théâtre de marionnettes n’est pas uniquement réservé aux enfants, ce postulat n’est plus à démontrer, en revanche, apprécions la multiplicité des formes qu’il revêt et la qualité des propositions, notamment dans le cadre du Festival d’Avignon Off. La compagnie Papier Théâtre nous a projeté loin sur les traces des artistes d’Istanbul au 16^ème siècle avec Mon nom est rouge, Les Hirondelles de Kaboul de la compagnie Nomades nous ont ramenés à un présent et un avenir plus compromis sur cette terre ravie à ses habitants. La la Familie Flöz, spécialiste du masque, de la magie et surtout de l’humour noir nous a ouvert les portes de son Hôtel Paradiso. Néanmoins, les plus jeunes ne sont pas en reste avec deux proposition étonnante, Grat’ moi la puce que j’ai dans l’do, une fantaisie lyrique pour les tous petits et Rumba sur la lune (Prix Public Off marionnettes 2013), une création où la marionnette et la vidéo nous font voyager aux confins du réel avec des surprises pour les petits… et d’autres pour les grands. Enfin, un petit bijou inclassable, c’est le ciné-concert humoristique de la compagnie Anyta, A peine une sensation ! Ne manquez pas de découvrir également la très belle exposition de portraits de marionnettistes de Christophe Loiseau vue à la Caserne des pompiers et prochainement présentée lors du Festival mondial des Théâtres de Marionnettes de Charleville Mézières. Voyez comme la curiosité est un joli défaut !

Mon nom est rouge © P. Mendelsshon

Mon nom est rouge d’Orhan Pamuk – Mise en scène d’Alain Lecucq et Narguess Majd à la Caserne des pompiers, 116 rue de la Carreterie, 84000 Avignon, du 8 au 24 juillet à 11h (Marionnette – Théâtre de papier – à partir de 15 ans)
Les 20 et 21 septembre au Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes de Charleville-Mézières (Salle Jean Macé)

La compagnie Papier Théâtre propose ici une très belle adaptation du roman d’Oran Pamuk qui a reçu le prix Nobel de littérature en 2006. Nous sommes à Istanbul en 1591 et les miniaturistes, peintres employés à la gloire du Sultan s’inquiètent de leur devenir. L’un d’eux a été assassiné… Toutes les hypothèses sont abordées, la jalousie des uns, l’extrémisme des autres. Cette magnifique fresque de papier retrace cette période où la peinture s’est occidentalisée et les conséquences que les artistes ont subies à vouloir enfreindre les règles ancestrales. Le conte utilise également les ressorts du langage amoureux pour dépeindre la vie d’une jeune femme prise entre les deux feux du modernisme et des carcans. Orchestrée par la musique envoutante interprétée en direct de Siamak Jahangiry, la manipulation d’Alain Lecucq et Narguess Majd est subtile et les interventions de l’orateur qui chaque jour se rie des peintres est magistralement interprétée par un Brice Coupey plus espiègle que jamais.

Les Hirondelles de Kaboul – Cie Nomades © Ludovic Leleu CR de Picardie

Les hirondelles de Kaboul de Yasmina Khadra – Mise en scène, adaptation et scénographie de Jean-Louis Wacquiez à l’Alizé, 15 rue du 58è R.I., 84000 Avignon, du 8 au 26 juillet à 13h50  (Théâtre – Marionnette – tout public)

Comment traduire sur scène la détresse des habitants de Kaboul en proie à l’oppression des extrémistes ? La compagnie Nomades relève cet incroyable défi à l’aide de marionnettes portées qui représenterons le supplice quotidien infligé par les talibans. Cet éclairage sur la condition afghane ne force pas l’empathie, on suit l’histoire d’un homme qui subit cette politique et verra sa femme, magistrate, dépouillée de tout statut social par ce grillage infâme qui lui dérobe sa vision du monde, puis condamnée à la lapidation. Et comme l’humain peut déployer des forces d’inventivité pour aider son prochain, nous verrons comment le bourreau lui-même se fera le sauveur des âmes. Le roman de Yasmina Khadra méritait une adaptation scénique de cette envergure. La marionnette dénonce, le fil raccroche le spectateur à cette atroce réalité mais ne le tire pas jusque dans le pathos. Si la poupée dit plus que l’homme, elle nous apprend aussi à ne surtout pas nous taire !

Familie Flöz Hotel Paradiso © Michael Vogel

Hôtel Paradiso par la Familie Flöz au Théâtre du Chêne Noir, 8bis rue Sainte-Catherine, 84000 Avignon, du 6 au 28 juillet à 11h
La Familie Flöz sera au Théâtre Les Célestins à Lyon avec Teatro Delusio du 19 au 23 décembre 2013 et au Théâtre Sylvia Montfort avec Infinita du 24 mars au 13 avril 2014

Les interprètes d’Hôtel Paradiso sont cachés derrière des masques portant les traits et caractères de leurs personnages. Ils ne sont que quatre pour interpréter avec aisance et sans un mot, la matriarche et son fils, les employés de l’hôtel, les clients… et les inspecteurs de police puisque pour certains touristes le séjour va mal tourner ! Ce petit bijou d’humour noir met en exergue la palette de talents de cette Familie Flöz représentée ici par quatre comédiens dans un rythme de haute voltige, Sébastien Kautz également auteur, metteur en scène et musicien, Nicolas Witte, créateur de masques, Anne Kistel et Daniel Matheus. Le charmant hôtel alpin prend vite des allures de maison hantée avec un portrait de famille qui s’anime, une source magique et un corps qui disparaît ! L’établissement tentera coûte que coûte de sauver les apparences pour obtenir ses quatre étoiles, mais le combat sera rude… Et quand de surcroît l’amour s’en mêle, la Familie Flöz ne sait plus où donner de la tête. Les masques sont extrêmement expressifs et alors qu’aucune parole n’a été prononcée, nous repartons avec la sensation d’avoir entendu les répliques les plus drôles du festival, et nos zygomatiques s’en souviennent !

Grat’ moi la puce que j’ai dans l’do © Karine Zibaut

Grat’ moi la puce que j’ai dans l’do par la Compagnie Minute Papillon ! à La Luna, 1 rue Séverine, 84000 Avignon, du 6 au 31 juillet (Théâtre musical à partir de 2 ans)

Théâtre d’ombre, objets, projections, cette fantaisie lyrique pour les touts petits n’utilisent pas que les cordes vocales des trois compères, mais toutes celles qu’ils ont à leurs arcs. Au travers de la journée d’un enfant, du lever, au coucher en passant par le repas et le bain, Margot Dutilleul, Violaine Fournier et Guillaume lainé nous interprèterons des extraits des airs d’Opéra qui constituent notre patrimoine. Ainsi, les plus jeunes oreilles seront initiées à Vivaldi, Bizet, Brahms, Ravel, Mozart ou encore Offenbach. La véritable question est de savoir si le dispositif fonctionne… La réponse est oui, trois fois oui ! Les enfants font preuve d’une écoute déroutante, un peu plus âgés ils se laissent emporter par le conte de la princesse et du dragon, tandis que les parents se régalent de voir leur progéniture heureuse tout en écoutant des airs lyriques de bon matin. Un véritable petit bijou qui mérite sa réputation et son succès avec plus de deux cent représentations à son actif, à découvrir absolument !

Rumba sur la lune © Nathaniel Baruch

Rumba sur la lune (poème visuel) par la Compagnie Marizibill au Théâtre des Béliers, 53 rue du Portail Magnanen, 84000 Avignon, du 8 au 31 juillet à 10h (marionnettes- objets –à partir de 2 ans) Prix Public Off marionnettes 2013

Nous nous réjouissons de la reprise de cet excellent spectacle qui a encore gagné sur cette édition en précision et qui est devenu un véritable objet de magie visuel pour le bonheur des plus jeunes spectateurs comme de leurs parents, grâce à une double grille de lecture très audacieuse. La petite souris Rumba n’arrive pas à assouvir sa faim, aussi le ventre vide elle va rêver de ce que ce délicieux fromage lui procurerait comme plaisir gustatif, visuel, sensitif… Lewis Carroll a probablement inspiré les deux créateurs pour réaliser cette petite merveille. Cyrille Louge au texte et à la mise en scène, Francesca Testi à la création des marionnettes, et tous deux à la manipulation nous transporte dans cet univers parallèle créé notamment par une utilisation pertinente de l’outil vidéo. Nous souhaitons longue vie à cet objet marionnettique non identifié, qu’il continue à éblouir les esprits d’Avignon et d’ailleurs.

A peine une sensation 

A peine une sensation par la compagnie Anitya / La Queue de la comète – Direction et Conception de Christophe Cagnolari à l’Entrepôt, 1 ter boulevard Champfleury, 84000 Avignon, du 8 au 31 juillet (Spectacle musical à partir de 8 ans)

Proposer un ciné-concert dans le cadre du Festival d’Avignon Off, voilà un pari qui était risqué, et c’est un pari remporté pour Christophe Cagnolari qui nous offre ici un véritable moment d’émerveillement et d’humour, orchestré en direct par un ensemble de huit musiciens ! Sur la base de films courts d’amateurs réalisés entre les années 1930 et 1970 sur la thématique de l’illusion, les projections sont sonorisées en direct par les musiciens mais également par les comédiens Maud Ivanoff et Maxime Nourrissat qui excellent dans l’art de la parodie. Sans trop en dévoiler, nous découvrons le Nosferatu de Murnau dans une version totalement inédite ! Un spectacle à découvrir en famille, pour les amoureux de ces images du temps passé, les mélomanes et les amateurs d’humour en noir et blanc, en un mot pour tous !

Exposition Portraits manipulés © Christophe Loiseau

Portraits manipulés : 30 photos de marionnettistes du monde entier à la la Caserne des pompiers, 116 rue de la Carreterie, 84000 Avignon, du 8 au 24 juillet de 10h30 à 20h30
Du 20 au 29 septembre 2013 à Charleville-Mézières dans le cadre du Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes

La caserne des pompiers, lieu de la région Champagne-Ardennes a ouvert ses portes a la superbe exposition de Christophe Loiseau qui nous offre des portraits de marionnettistes jubilatoires. Neville Tranter, Jean-Pierre Lescot, Duda Paiva, Fabrizio Montechi, Agnès Limbos, Berangère Vantusso… Tous ont accepté de jouer le jeu et le résultat est admirable, notre coup de cœur allant au portrait de Camille Trouvé de la compagnie Les Anges au plafond pour cette envolée de papier qui exprime si bien son art.