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Maria Casarès, une actrice de rupture par Florence M. Forsythe aux Editions Actes Sud par Irène Sadowska Guillon

Posté par angelique lagarde le 10 juin 2013

Maria Casarès, une actrice de rupture par Florence M. Forsythe aux Editions Actes Sud par Irène Sadowska Guillon dans Films couv.maria-casares-157x300

Maria Casarès, une actrice de rupture
Par Florence M. Forsythe
Editions Actes Sud, série Le Temps du Théâtre

Maria Casarès, l’intrépide

Ceux qui l’ont vu jouer au cinéma ou au théâtre restent à jamais marqués par l’emprise qu’elle exerçait sur les spectateurs, telle une prêtresse d’un rituel sacré, dès son apparition. Car le jeu de Maria Casarès n’était pas simplement l’incarnation d’un rôle, c’était un don de soi. Exilée à 14 ans en France en 1936, elle tient de l’Espagne, de sa Galice natale, la force des extrêmes, l’énergie indomptable, la passion du dépassement de soi, l’esprit de conquête. Actrice d’exception, de rupture, à contre-courant des modes, dès ses premiers films Les Enfants du paradis, Les Dames du bois de Boulogne (1945) elle laisse une empreinte indélébile au cinéma, mais le théâtre dont elle a traversé, entre 1940 et 1996, des moments décisifs d’un demi-siècle d’évolution était sa patrie, sa terre d’élection. Elle ne cessait de l’arpenter par des chemins de traverse, au gré des rencontres « providentielles », d’artistes d’exception pour ne citer que Camus, Vilar, Lavelli, Béjart, Chéreau, Sobel, Genet. A partir de témoignages, de documents, des souvenirs de Maria Casarès consignés dans son livre Résidente privilégiée, Florence M. Forsythe recompose la trajectoire de l’actrice et brosse un portrait extrêmement vivant de la femme dont la vie et le théâtre ne faisait qu’un.

Née le 21 novembre 1922 en Galice (Espagne), fille de Santiago Casarès Quiroga, Ministre au Gouvernement de la IIe République, Maria Victoria Casarès, chassée par la guerre civile, s’exile en 1936 avec sa mère en France. Dès lors sa vie sera une succession de conquêtes, de défis et de prises de risque. En arrivant à Paris elle ne parle pas le français. Trois ans plus tard elle se présente aux auditions du Conservatoire. C’est un désastre. Elle revient l’année d’après, Béatrice Dussane, sa professeur au Conservatoire, remarque la présence, la personnalité forte de la jeune Maria qui ne cesse de faire des progrès. En 1942 elle passe les auditions, le jury note : « Casarès bien, pas tragédienne, bonne voix. » Pourtant elle se présente au Concours dans Bérénice de Racine. Elle à l’accessit en tragédie.

Elle naît à la vie théâtrale au Théâtre des Mathurin où autour de Georges et de Ludmilla Pitoëff gravite à l’époque l’élite intellectuelle. Marcel Herrant lui confie pour son premier rôle celui de Deirdre, la rebelle dans Deirdre des douleurs de Synge. La première a lieu le jour anniversaire de ses 20 ans, le 21 novembre 1942. Casarès entre dans les ordres du théâtre, pose ses premières marques. Rien ne se sera facile mais Maria, la rebelle, avec son tempérament de conquérante, multiplie les gageures relève les défis. En mars 1944 Maria rencontre Albert Camus. Leur passion réciproque est scellée par le théâtre. Quelques mois plus tard elle joue dans Le malentendu de Camus qui déclenche des polémiques, les détracteurs de l’écrivain se déchaînent.

Alors qu’elle se lance à la conquête du théâtre, le cinéma lui offre des rôles qui font d’elle rapidement une vedette du cinéma d’après-guerre. Elle joue dans Les Dames du bois de Boulogne de Robert Bresson « une femme féline et garce d’une perversité charmeuse, », Les enfants du Paradis de Marcel Carné, La Chartreuse de Parme de Christian Jacque, Orphée de Jean Cocteau, etc… Elle se révèle une tragédienne incomparable.

La Comédie Française où elle entre en 1952 n’est pas une consécration pour Maria qui, tel Don Juan ou Alexandre, ne peut s’arrêter sur le chemin de la conquête. Elle quitte le Français au bout d’un an par besoin impérieux de liberté, dira-t-elle. Pour rejoindre d’abord Jean Vilar au festival d’Avignon et au TNP, qui lui offre des rôles inoubliables dans Macbeth, Le Cid, Marie Tudor, Le triomphe de l’amour, Phèdre, Le songe d’une nuit d’été. Toujours par ce besoin impérieux de se remettre en question Maria quitte le TNP. Béjart lui ouvre une nouvelle voie, l’actrice se métamorphose dans À la recherche de Dom Juan, La reine verte, Nuit obscure.

Des chemins se traversent dans sa trajectoire. En 1963, à la suite d’une tournée en Amérique Latine de Cher menteur de Jérôme Kilty, elle est invitée à Buenos Aires où elle joue entre autres Divinas palabras de Valle Inclan et Yerma de Lorca. À son retour à Paris en 1964 elle découvre le travail d’une modernité révolutionnaire du jeune metteur en scène argentin Jorge Lavelli avec lequel elle poursuivra le compagnonnage jusqu’à sa mort. Les Enchaînés de O’Neill, Médée de Sénèque, Le Borgne est roi de Carlos Fuentes, La Mante polaire de Rezvani, Le conte d’hiver de Shakespeare, La nuit de Mme Lucienne de Copi, Comédies barbares de Valle Inclan, Mein Kampf de Tabori, jalonnent leur complicité amicale. Parmi d’autres rencontres décisives pour elle celle de Jean Genet, dont elle joue Les paravents en 1966 dans la célèbre mise en scène de Roger Blin à l’Odéon. Jean Gillibert lui offre le rôle de Clytemnestre dans Agamemnon d’Eschyle et crée avec elle La Célestine de Rojas. Elle ne cesse de se mettre à l’épreuve de nouveaux auteurs, des esthétiques et des visions du théâtre tout aussi différentes que celles de Claude Régy, Patrice Chéreau, Bernard Sobel qui lui offre les rôles d’Hécube et de Lear, de Bruno Bayen qui en fait le Pape dans Elle de Genet. Tant de fois protagoniste de la mort au théâtre, elle la défie en travaillant jusqu’au bout, jusqu’à ce que le cancer qui la dévore ne prenne le dessus.

Florence M. Forsythe ne cherche pas à bâtir une légende Casarès ni en faire une icône de théâtre, elle saisit, avec une rare et profonde sensibilité et intelligence, l’être humain, à la fois la fragilité et la force vitale inépuisable, ce feu sacré de la passion, de la création, qui animait et consumait la femme et l’actrice Casarès. N’est-ce pas un beau défi à la mort que de transmettre sa passion de l’art du théâtre en léguant sa maison de La vergne à Alloue en Charente-Maritime, devenue la Maison du Comédien, lieu de résidence et de création ?

Un cahier photos traversant sa vie d’actrice, une bibliographie sélective, une biographie théâtrale et cinématographique de Maria Casarès complètent cet ouvrage qui se lit passionnément.

Irène Sadowska Guillon

Maria Casarès, une actrice de rupture
Par Florence M. Forsythe
Editions Actes Sud, série Le Temps du Théâtre, 2013
218 pages, prix 24 €

 

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