Elsa Lepoivre de la Comédie-Française dans Phèdre, rencontre en coulisses
Posté par angelique lagarde le 25 mars 2013
Elsa Lepoivre © Christophe Raynaud de Lage
Elsa Lepoivre alias Phèdre réalise un fantasme de metteur en scène
Au cœur des loges de ce lieu empli de trésors de mémoire de la scène française, la salle Richelieu, d’abord Phèdre se confie puis tout comme dans la pièce, peu à peu, le manteau glisse et Elsa Lepoivre, dix ans de Comédie-Française à son actif, se révèle une comédienne dont le talent n’a d’égal que les qualités humaines.
Kourandart: Elsa Lepoivre, sociétaire de la Comédie Française, vous êtes actuellement à l’affiche dans le rôle titre de Phèdre de Racine, dans la mise en scène de Michael Marmarinos. Etait-ce un rôle rêvé quand vous avez décidé de devenir comédienne ?
Elsa Lepoivre : J’ai été formé chez Pierre Debauche avant de faire le Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique et en fait, je me suis rendue compte que lui fantasmait sur moi dans Phèdre et je me souviens qu’il m’avait fait travaillé des scènes. J’ai pris conscience de l’engagement pour une actrice d’être dans ce personnage mais j’ai aussi compris que Phèdre était véritablement un fantasme de metteur en scène. Personnellement, il y a très peu de rôles dans lesquels je me projette avec une envie majeur. Il y a eu Hedda Gabler d’Henrik Ibsen qu’Alain Milianti avait monté en 2001 et m’avait confié le rôle titre suite à une conversation où je lui confiais cette envie, donc mon rêve de comédienne est réalisé ! Aujourd’hui, ce sont plutôt des auteurs que j’ai envie de rencontrer comme Strindberg, Shakespeare… Plus tard je me vois bien en Lady MacBeth !
KA : Nous vous avions beaucoup aimé dans Une histoire de la Comédie-Française de Christophe Brabier, mis en scène par Muriel Mayette où vous interprétiez les plus grandes comédiennes du XIXème siècle, dont Rachel bien entendu, elles-mêmes interprétant Phèdre, saviez-vous déjà que vous auriez ce rôle ?
E. L : Je l’ai su juste après. Le travail avec Christophe Barbier a été très intéressant parce qu’il en connaît beaucoup plus que nous sur l’histoire de la Comédie-Française (rires). Néanmoins, l’idée de décliner des extraits de Phèdre est venue de moi. Pour camper les personnages que nous avions dessinés avec Muriel Mayette, j’ai très vite demandé à Christophe d’avoir le support du texte. Aussi, une fois que j’avais dessiné un peu les caricatures des quatre actrices, je me suis dit que ça pourrait être intéressant de leur faire faire des extraits de Phèdre chacune à leur manière. Et ce fut très exaltant ! Quand j’ai rencontré Michael Marmarinos sur le projet, il ne m’avait pas vu dans Une histoire de la Comédie-Française, mais il nous a plutôt demandé de lui livrer des détails concrets sur le personnage, c’est sa façon de travailler. J’ai tout de suite pensé à une forme de dépression où l’idée même d’être touchée est insupportable. A mon sens, au début de la pièce, c’est déjà la fin pour elle et elle ne peut plus avoir aucun contact. C’est un sentiment dépressif assez concret et moderne, disons même atemporel que je trouvais intéressant comme point de départ.
KA : Aviez-vous des modèles de comédiennes ayant interprété Phèdre ?
E. L : Non, j’avais vu des extraits de la mise en scène de Patrice Chéreau avec Dominique Blanc et de celle d’Anne Delbée avec Martine Chevalier car je n’étais pas encore dans la maison quand elle l’a montée. J’ai vu les différences, ce que j’aimais, ce que je voulais éviter ou en tous cas, contourner, par choix. J’avoue que, liée à cette maison, je pense que l’héritage lyrique est important. J’ai une formation de théâtre classique, j’aime les grands textes, les dire, mais aussi les ramener au temps présent, trouver la modernité de ces textes qui sont modernes par essence puisqu’ils ont traversé les époques. En tant qu’interprète, j’aime quand un personnage se rapproche de moi et j’ai l’impression d’avoir trouvé cela avec le travail de Michael Marmarinos parce qu’il est parti de ma personne tout entière, non seulement de la comédienne, mais de la femme que je suis. Et l’assemblage avec ce texte poétique, rythmé, me plaît beaucoup.
Phèdre (Elsa Lepoivre) © Brigitte Enguerand
KA : Comment analysez-vous le personnage de Phèdre, pensez-vous que ce soit une victime de l’amour ?
E. L : Il est intéressant au fur et à mesure de la découverte du texte, de comprendre que Thésée, elle l’a choisi, elle l’a aimé aussi et peut-être l’aime-t-elle encore, mais elle a été victime d’un « mauvais sort ». Sous ce prisme, l’aveu à Hippolyte paraît différent, tout à coup, ce n’est plus Thésée contre Hippolyte mais les deux qui se mélangent. C’est la jeunesse d’Hippolyte et par extension celle de Thésée qui la séduit et cet aveu exprime un véritable coup de foudre. Elle a passé son temps à le fuir et soudainement, il est là et c’est comme si ce phénomène se matérialisait véritablement à cet instant. Elle explose ! Cette femme se sent traquée, elle souffre de ne jamais pouvoir être seule. C’est ce qu’elle exprime quand elle dit : « de trop près observée », Œnone est tout le temps auprès d’elle, le père la surveille des enfers, le soleil est son grand-père, elle n’a aucun refuge possible. A chaque acte, elle formule le souhait de pouvoir se cacher.
KA : Dans le personnage de Phèdre, ce qui est sublime, comme vous l’évoquez, c’est qu’elle n’ait aucun refuge…
E. L : Oui et quand je parlais de l’état dépressif, en particulier sur cette première scène « attendue », quand j’ai vu que le travail m’amenait sur le terrain de l’aveu dans un état quasi exsangue, ce premier acte m’est apparu comme la fin, le « rideau » qui tombe sur sa vie. Elle résume ce qui s’est passé mais nous ne le verrons pas, elle nous dit que les choses s’arrêtent là. A partir du moment où la parole se libère, la violence, la souffrance mais aussi la vie reviennent à elle. Par le fait même d’avouer son amour, elle accepte non plus la mort, c’est déjà fait, mais « de mourir plus coupable ». C’est ce premier acte qui va pouvoir faire renaître la vie. Ce rôle est incroyable car toutes les facettes de l’âme humaine sont convoquées, sur cinq actes, nous voyons apparaître la féminité, le combat, la revendication, la souffrance…
KA : Ce qui est intéressant aussi, c’est la façon dont vous avez traité sa relation à sa confidente et ce basculement où Œnone devient machiavélique. Comment avez-vous travaillé avec Clotilde de Bayser ?
E. L : C’est l’écriture-même qui dessine cela et démontre encore une fois que Phèdre n’est apte à décider de rien. Il n’y a en revanche à mon sens aucun machiavélisme de la part d’Œnone, tout ce qu’elle fait, c’est par amour pour elle, mais il n’y a pas de calcul. Nous avons travaillé en évitant cet aspect. Il est vrai que c’est elle qui agit, mais pour sauver sa reine et pour cela, elle est prête à tout.
KA : Vous avez réussi à créer entre Phèdre et Œnone ce même lien qui unit un Dom Juan à son Sganarelle…
E. L : Il est vrai qu’avec Clotilde de Bayser avec qui nous nous étions rencontrées sur La critique des l’école des femmes, nous avons beaucoup travaillé pour trouver cette relation juste. Il fallait trouver ce rapport très affectif entre Phèdre et Œnone et ce qui est très intéressant avec Michael Marmarinos c’est qu’il travaille sur l’affect, mais dans le bon sens du terme, le sensible pas le pathos. Il ne cessait de nous demander en tant qu’actrices de ne pas charger nos épaules d’émotion sur mais de la laisser naître du texte et de nous laisser surprendre. Que nous soyons alors traversées par des larmes ou des éclats de rire, il fallait se laissait faire, mais sans que jamais cela ne freine le flux du texte. De surcroît cela permet à Phèdre de n’être ni dans la complainte, ni dans l’hystérie, mais de montrer simplement qu’elle est toujours à la fois en lutte et traversée par des sentiments intenses. Et je me réjouis de cette complicité avec Clotilde, s’il y a un moment de peur, un regard suffit à tout désamorcer. La première image où Œnone tend les bras à Phèdre, c’est elle qui l’a proposé et j’aime beaucoup ce que cela crée.
KA : Pourriez-vous nous en dévoiler un peu plus sur le metteur en scène, Michael Marmarinos que nous connaissons peu en France ? Etait-ce une évidence pour lui de vous proposer le rôle ?
E. L : Il est l’un des deux metteurs en scène en vogue en Grèce dont Muriel Mayette nous avait parlé avant que nous ne fassions sa connaissance. Elle lui a donc ensuite présenté les actrices disponibles pour le rôle et apparemment oui, il m’a choisie assez spontanément. Quand il a établi l’approche du travail, je crois qu’il a senti que nous étions d’accord sur la direction. C’est quelqu’un qui je crois fait des spectacles un peu en marge en Grèce, qui bousculent un peu (Il a été programmé au Festival d’Automne en 2009 avec Je meurs comme un pays / Dying as a Country de Dimitris Dimitriadis – ndlr) et j’avoue que c’est une idée qui m’a séduite aussi. Rappelons néanmoins qu’il est grecque, que nous échangeons en anglais et donc avec Clotilde de Bayser et Eric Génovèse, nous avons ensuite abordé le sujet de la versification racinienne et il se trouve que nous avons passé de merveilleux moments puisqu’à chaque fois, il entendait et prenait en compte la musicalité du vers. Nous étions rassurés et ravis car il y a eu un vrai dialogue et d’ailleurs en deux mois, il a progressé en français de façon stupéfiante !
KA : De quelle manière vous a-t-il fait travailler la pièce ?
E. L : Pendant un mois, nous avons fait un travail de groupe avec une série de jeux numérotés. C’était un travail à la table, et à titre d’exemple, le numéro trois devait se lever et raconter l’histoire à sa façon, le numéro deux, chanter une chanson… Le but était de trouver le flux de la pensée, de la parole et que tout à coup, une chanson par exemple, ne soit pas en rupture, mais dans la même qualité d’énergie et que le récit puisse reprendre. Michael centralisait l’attention et l’adresse et c’est aussi pour cette raison qu’il y a beaucoup d’adresses au spectateur. Et dès qu’il a été question de rentrer sur le plateau, il nous a isolés deux par deux ou un peu plus en fonction des scènes pour que nous travaillions de manière assez secrète et c’est seulement en dernière ligne droite, en arrivant à la salle Richelieu, que nous avons pu assister au travail des autres et harmoniser l’ensemble.
Phèdre (Elsa Lepoivre) et Hippolyte (Pierre Niney) © Brigitte Enguerand
KA : Nous avons trouvé Pierre Niney un excellent Hippolyte, est-ce également un bon camarde de jeu pour vous ?
E. L : Oh oui vraiment, il est étonnant ce jeune acteur parce qu’il n’a quand même que vingt-trois ans. Il est très observateur, très à l’écoute. Pour Jennifer Decker (Aricie) et lui, ce sont les premières tragédies auxquelles ils se confrontent et le résultat est très probant. Il a de surcroît une grande précision et une rapidité de travail inouïe, ce qui est assez très appréciable. Et en plus ce qu’il est prolifique, il joue au cinéma, il écrit des pièces qui ont déjà été montées… Il est simplement incroyable ! Il a quelque chose d’absolument pas conventionnel, y compris par son physique et c’est aussi ce qui a séduit Michael Marmarinos.
KA : Et comment s’est déterminé le style des costumes ?
E. L : Virginie Merlin a suivi les indications du metteur en scène qui souhaitait s’éloigner des toges antiques, mais ne pas être non plus dans quelque chose de trop contemporain. Elle lui a proposé de se rapprocher des années 1920 – 30 qui lui semblaient également appropriées en termes de ligne pour obtenir un aspect léger et filiforme. Seul le costume de Panope qui est un peu l’ange messager est en décalage et renvoie à des temps plus anciens. Elle souhaitait aussi des teintes claires pour symboliser cette fatigue du temps, de belles lignes mais des personnages tout de même éprouvés. Et cette superbe parure que Phèdre retire au premier acte, c’est sa chrysalide, son masque dont elle se débarrasse pour nous offrir son intimité.
KA : Quant au décor, qui n’est pas sans rappeler l’Iphigénie d’Antoine Vitez, il nous plonge véritablement en Grèce dans la détresse et la solitude de ces âmes qui errent dans le palais…
E. L : Il y a un aspect également qu’il ne faut pas écarter, c’est le fait qu’ils soient insulaires. La présence de la mer en fond de scène a été un vrai débat parce que difficile à réaliser techniquement, mais Michael Marmarinos y tenait beaucoup car pour lui c’était le symbole du départ, de la vie, de la nature… C’est un autre rapport au temps de vivre sur une île, au côté stagnant des choses. Quand la vidéo est arrivée nous avons trouvé le résultat magnifique parce que cela rendait palpable la plaque d’huile sur laquelle ils se débattent en vain sans qu’il ne se passe rien. Seul Hippolyte ne cesse de dire qu’il va partir, mais il ne part jamais.
KA : Et si nous parlions un peu de vous. Vous avez été formée chez Pierre Debauche, puis au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique dans les classes de Daniel Mesguich, Stuart Seide, Stéphane Braunschweig… avez-vous eu un mentor ?
E. L : Pierre Debauche a été très important dans mon parcours avec entre autres l’aventure d’Agen où nous avions créé un théâtre. J’ai joué La mouette de Tchekhov notamment et c’est un souvenir très fort. Quand je suis entrée au conservatoire, je sortais donc de cette expérience de théâtre et j’anticipais un peu ces trois ans d’études à venir et finalement, j’ai mesuré très vite que c’était un expérience formidable. Cela me permettait de retravailler en détail une scène sur six mois par exemple. La première année, avec Daniel Mesguich a été très florissante parce que c’est tout simplement un bourreau de travail (rires). Je plaisante parce qu’il faut reconnaître qu’il est aussi très joyeux dans le travail. Ensuite, j’ai été très marquée par Stuart Seide. Il me disait que j’étais une actrice solaire, de part ma blondeur mais aussi par mon caractère et qu’il fallait que je travaille les zones d’ombre. C’est le premier qui m’en parlait. Il ne mobilisait pas que mon énergie ou mon côté un peu athlétique. Et je suis très heureuse aujourd’hui de retrouver des similitudes dans la sensibilité et la direction d’acteur de Michael Marmarinos. C’est à partir de ce moment-là que j’ai commencé à creuser de manière consciente des choses qui pourraient me compléter en tant que comédienne et je pense régulièrement à lui. Il y a eu aussi Catherine Hiegel avec qui nous avons monté un Feydeau pour les ateliers de fin d’année, mais c’était un travail de groupe, je ne l’avais pas eu comme professeur. Puis, il y a eu Les trois sœurs de Tchekhov par Stéphane Braunschweig qui fut très différent, mais un travail intéressant aussi.
KA : Ensuite, vous avez connu sept ans d’intermittence…
E. L : Oui et j’ai joué avec beaucoup de metteurs en scène différents dont Emmanuel de Marci Motta et Jacques Lassalle. C’est aussi le moment où j’ai rencontré Andrzej Seweryn qui avait pris un an de congés pour Le Misanthrope et que j’ai remplacé Marianne Basler sur la tournée internationale. C’est ce qui a été cinq ans plus tard l’occasion de mon engagement à la Comédie-Française parce que Jacques Lassalle a repris Dom Juan et l’actrice Françoise Gillard ne pouvait pas faire la tournée. Suite au Misanthrope, il n’arrêtait pas de me dire qu’il fallait qu’on retravaille ensemble… Et donc j’ai retrouvé Andrzej. C’est Marcel Bozonnet avec qui j’avais fait Antigone au conservatoire qui m’a convoquée comme pensionnaire et grâce à qui je suis donc rentrée ici avec Dom Juan dans la mise en scène de Jacques Lassalle.
Le loup © Brigitte Enguérand
KA : Dona Elvire a été votre premier rôle à la Comédie-Française ?
E. L : Oui, mais en tournée, nous ne l’avons pas joué à la salle Richelieu. Nous l’avons présenté à Suresnes pour la reprise et ensuite nous sommes partis en tournée. Mon premier spectacle ici à la salle Richelieu c’était Le Grand théâtre du monde de Pedro Calderón de la Barca dans la mise en scène de Christian Schiaretti pour les rôles de la Beauté et de la Vie, pas mal non, pour mes premiers pas ? (rires).
KA : Etait-ce un rêve la Comédie-Française ou plutôt quelque chose qui s’est dessiné au grès des rencontres et des expériences ?
E. L : J’avais entendu par oui dire, sans le savoir officiellement, qu’en sortant du conservatoire, mon nom avait circulé, parce que je m’entendais bien avec Catherine Hiegel et Marcel Bozonnet qui avait parlé de moi. Puis j’ai travaillé tout de suite et je n’y ai plus pensé du tout mais il se trouve que des amis de ma promotion, Julie Sicard, Jérôme Pouly, Guillaume Gallienne y rentraient ! Donc j’ai été amené à venir les voir et puis ce fut mon tour. J’avais trente ans et j’étais très heureuse parce que c’était le bon moment pour que ça arrive. J’ai pu à la fois retrouver l’esprit de troupe que j’avais tant aimé avec Pierre Debauche et me stabiliser à Paris. Je sentais que c’était un équilibre dont j’avais besoin. J’aime les concessions que demande l’engagement dans une telle troupe. De passer de grands à de petits rôles, ce n’est pas quelque chose de violent pour moi, au contraire, je trouve cela très exaltant.
KA : Depuis 2007, vous êtes sociétaire de la Comédie-Française, l’engagement est encore plus grand, en êtes vous heureuse aujourd’hui ou auriez-vous envie de nouveaux horizons ?
E. L : Non, j’ai une grande capacité de travail, je peux cumuler plusieurs rôles en même temps, j’avoue que c’est même assez ludique pour moi, mais en revanche je n’ai pas la boulimie d’un Denis Podalydès. D’ailleurs, je me demande souvent : « mais comment fait-il ? » (rires). Cela va faire dix ans cette année et jamais je n’ai eu envie de quitter la maison. Je commence à me dire que je pourrais simplement me laisser tenter par un projet à l’extérieur pour prendre l’air, mais c’est tout. Je ne l’ai encore jamais fait parce que j’avoue, et j’ai la chance de pouvoir le dire, j’ai beaucoup travaillé. Peut-être que si je sens un créneau arriver, ce serait l’occasion et si j’en éprouve le besoin, je l’exprimerais, mais pour le moment non. La variété des metteurs en scène qui interviennent ici fait aussi que l’air se prend constamment.
KA : Actuellement, vous êtes Phèdre jusqu’au 26 juin et vous allez reprendre Les Trois Sœurs de Tchekhov dans la mise en scène d’Alain Françon à partir du 18 avril…
E. L : Et je répéterai le Cabaret Boris Vian avec Serge Bagdassarian. Et depuis le début de l’année, il y a eu aussi la reprise de La critique de l’Ecole des Femmes et Palais Royal, donc voyez comme on ne s’ennuie pas !
KA : Quel est votre plus beau rôle, votre plus beau souvenir ici ?
E. L : Rôle c’est difficile, disons spectacle… mais au pluriel ! Les Trois Sœurs, j’y suis très attachée et La critique de l’Ecole des Femmes ça a été un grand bonheur aussi. J’ai adoré travailler avec Clément Hervieu-Léger. Alain Françon est venu nous voir et je dois dire qu’il y avait des similitudes dans leur façon de travailler « tout en dentelle », que j’ai le plaisir de retrouver aussi un peu dans Phèdre avec Michael Marmarinos. Alain Françon parlait de « chorale démocratique », j’aime beaucoup cette formule qui décrit très bien leur travail à tous les trois : les personnalités sont préservées, il n’y a pas de formatage, mais c’est un projet commun. Dans ces cas-là, je me dis que je fais partie d’une troupe, mais je me sens en même temps exister d’une manière authentique, c’est vraiment cela qui m’intéresse. Ensuite, il y a eu des coups de cœur de spectacles, Juste la fin du monde de Jean-Luc Lagarce, un très beau projet sur un texte contemporain. J’ai adoré aussi jouer Le Mariage de Figaro avec Laurent Stocker et Le loup avec Véronique Vella et Michel Vuillermoz.
KA : Et le cinéma vous fait-il des propositions ?
E. L : L’an dernier j’ai fait un film qui s’est merveilleusement greffé sur l’été donc c’était parfait, c’était Du vent dans mes mollets d’après la pièce de Raphaële Moussafir. Je connaissais bien Raphaële et je suis devenue aussi très amie avec la réalisatrice Carine Tardieu qui m’a donc confié le rôle de l’institutrice. C’était un second rôle, j’étais auprès d’Agnès Jaoui et Denis Podalydès et ça a été un vrai bonheur. C’était mon premier petit pas dans un cinéma « officialisé » parce qu’avant j’avais travaillé avec Paul Vecchiali, j’ai fait quelques films avec lui dont A vot’bon cœur avec lequel nous sommes même allés à Cannes ! Je pense beaucoup à Hélène Surgère avec qui j’ai partagé cette belle expérience avant de la retrouver sur Les Trois Sœurs.
KA : Le jeu est-il le même à la salle Richelieu, au Théâtre Ephémère, au Vieux-Colombier ou au Studio-Théâtre ?
E. L : Pas du tout, la salle Richelieu porte toute l’émotion de la Comédie-Française, c’est beaucoup plus intime que le Théâtre Ephémère, c’est une sorte d’écrin. Mais j’ai apprécié aussi le grand plateau et le rapport avec la salle au Théâtre Ephémère. Le Vieux-Colombier, j’en ai fait l’expérience pour la première fois il y a deux mois et j’ai été très étonnée de la profondeur de la salle, il faut véritablement porter la voix mais le rapport encore plus intime aux spectateurs est agréable. Et le Studio-Théâtre, c’est très chouette et l’équipe est merveilleuse.
KA : Merci pour tout Elsa Lepoivre, mais avant de vous quitter nous voulions vous avouer que vous étiez notre première Phèdre blonde…
E. L : Je suis la petite fille du Soleil ! Je crois que Michael Marmarinos de surcroît voulait vraiment que le soleil soit présent et que le bleu de la mer soit vif, que ce soit un hymne à la lumière. Il voulait une Phèdre « ensoleillée ».
Propos recueillis par Marie-Laure Atinault et Angélique Lagarde