Journal d’un poilu d’Henri Laporte – Mise en scène de Didier Brice et Stéphane Cabel au Théâtre La Bruyère par Lorraine Alexandre
Posté par angelique lagarde le 21 février 2013
Journal d’un poilu © Fabienne Rappeneau
Journal d’un poilu
D’Henri Laporte
Adaptation et mise en scène de Didier Brice et Stéphane Cabel
Avec Didier Brice
Décors d’Amélie Tribout
Lumières de Marie-Hélène Pinon
Conception sonore de Patrick Martinache et Dominique Massa
Au Theâtre La Bruyère
Du mardi au samedi à 19h – matinée dimanche à 17h
Un témoignage poétique et puissant
Avec un monument aux morts pour unique décor, Didier Brice adapte le journal du poilu Henri Laporte, survivant de la 1ere Guerre Mondiale. La façon sensible et poignante dont il s’approprie un sujet aussi rebattu que délicat rend à ces objets de mémoire toute leur valeur émotionnelle. Trop mal connu, ce témoignage direct dessine les liens entre l’optimisme et l’effroi et, sans manichéisme ni rancune, donne une parfaite vision des états du corps pris dans la guerre.
Occupant plus de la moitié de la scène, et sur fond noir, se tient un monument aux morts de la 1ere Guerre Mondiale. Monochrome et baigné d’une lumière froide plongeant le visage de la statue dans l’ombre, cet unique décor établit le silence, le respect que l’on nous a inculqué face aux images mortifères de la guerre. Il installe aussi, un court instant, la peur d’un récit scolaire, d’un exercice de mémoire banalisé dont nous avons l’habitude depuis l’enfance.
Tous les poilus sont morts à présent, les générations qui vivent aujourd’hui en Occident connaissent la guerre par les médias et les livres d’histoire. De fait, nous sommes tous dans la distanciation et notre rapport à ce type de statuaire revêt un sens nouveau en décalage avec sa fonction première. Dans l’art contemporain occidental, c’est peu de dire que cette esthétique a atteint le stade de l’écoeurement. Jugée emphatique et prise dans les carcans d’un cahier des charges hautement politisé, elle se fait une spécialité d’un patriotisme difficile à appréhender pour les européens que nous sommes désormais.
Et c’est bien là que la pièce fonctionne et gagne son sens et sa puissance. La mise en scène, aussi simple que redoutablement efficace, trouve le bon chemin jusqu’à nous. Le dispositif est parfaitement adapté en ce qu’il apprivoise nos regards et détruit l’écart qui s’est creusé en un siècle entre l’esthétique des monuments aux morts et la façon dont nous les percevons. Il relève également d’une esthétique théâtrale d’une grande poésie évoquant de nombreuses références (du spectacle de rue au cinéma)… Mais, aussi frustrant que cela puisse être, il est impossible d’en dire plus ici. La surprise du spectateur lorsqu’il comprend ce concept mérite d’être préservée.
Au-delà de cette forme parfaite, l’impact du récit d’Henri Laporte et de la façon dont Didier Brice l’habite et le transmet, repose sur sa force d’évocation sensitive, sa valeur charnelle. Les détails revêtent une grande importance pour la perception et la compréhension de ce que pouvait être la guerre au quotidien. Lorsqu’il décrit, par exemple, le plaisir anticipé d’un repas au fumet prometteur servi dans les tranchées, soudain compromis par la chute d’un morceau de terre dans sa gamelle, notre héros mêle besoins et plaisirs du corps, l’effroi d’un rappel à l’ordre et la façon de s’en accommoder. C’est cette matérialité, traversant tout le texte, qui fait de lui un héros sans grandiloquence auquel le spectateur peut s’identifier.
Aussi matiériste par son texte qu’onirique par sa forme, cette pièce ne peut pas laisser indemne le spectateur. L’investissement évident de Didier Brice, ainsi que la force et la justesse de son jeu, sont pour le moins réjouissants et communicatifs et en quittant le théâtre, une persistance rétinienne nous ramène son visage devant les yeux. Cette pièce compte parmi celles dont on est sûr que l’on s’en souviendra longtemps après l’avoir vue.
Lorraine Alexandre
Théâtre La Bruyère
5, rue La Bruyère
75009 Paris
Réservations au 01 48 74 76 99
Et en plus c’est la vérité!!
Didier Brice est Époustouflant! Sincère! dans une mise scène sans « mise en scène » , quelques clins d’œils subtiles, à recommander mieux qu’un cours d’histoire !
journal d’un poilu :
Comment faire vivre sur scène la guerre 14/18. Cette boucherie, le calvaire des soldats, les combats corps à corps, les bombes, les gaz, l’univers des tranchées, l’attente, l’ennui, le froid, la faim, être tiraillé par la peur de la mort qui rode autour de vous prête à vous saisir à tout instant. Et bien Didier BRICE et Stéphane CABEL ont réussi cette gageure!!!!! Avec une excellente scénographie et la magistrale interprétation de Didier BRICE. Après avoir été confronté pendant plus d’une heure a cet époustouflant devoir de mémoire, la commémoration du 11 novembre vous paraîtra bien terne en comparaison.
Formidable interprétation et mise en scène. Des les premiers instants le décors est planté et c est conquis par le comédien que l’on rentre dans cette histoire, cette tranche de vie, d’existence. Bref, une interprétation magique qui nous fait partager, vivre un moment d’histoire, mais aussi une anecdote très émouvante confiée par le comédien à la fin du spectacle.
Je fus le temps de cet émouvant témoignage, propulsée au sein de cette effroyable guerre.La mise en scène
et le jeu de M.Didier Brice sont brillants.C’est la deuxième fois que j’assiste au spectacle et l’émotion est encore plus forte.Bravo.
Très bonne évocation de ce qu’ont enduré les poilus. C’est pourtant pas un sujet très facile à retranscrire sur scène, mais c’est réussi. A voir !