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Le Son Lointain de Franz Schreker – Direction musicale de Marko Letonja – Mise en scène de Stéphane Braunschweig à l’Opéra National du Rhin par Angélique Lagarde

Posté par angelique lagarde le 5 novembre 2012


Le Son Lointain de Franz Schreker - Direction musicale de Marko Letonja - Mise en scène de Stéphane Braunschweig à l’Opéra National du Rhin par Angélique Lagarde dans Opera ferneklang-acte-3-photo-alain-kaiser-3693-300x199

Le Son Lointain © Alain Kaiser

Le Son Lointain
Der Ferne Klang
De  Franz Schreker
Nouvelle production – Création scénique en France
Opéra en trois actes – Livret du compositeur
Direction musicale de Marko Letonja
Mise en scène et scénographie de Stéphane Braunschweig
Avec Helena Juntunen, Will Hartmann, Martin Snell, Teresa Erbe, Stephen Owen, Stanislas de Barbeyrac, Geert Smits, Livia Budai, Patrick Bolleire, Kristina Bitenc, Marie Cubaynes, Sahara Sloan, Jean-Gabriel Saint-Martin et Mark Van Arsdale, les solistes des Chœurs de l’ONR sous la direction de Michel Capperon et l’Orchestre philharmonique de Strasbourg.
A l’Opéra National du Rhin – A l’Opéra de Strasbourg jusqu’au 30 octobre puis à la  Filature de Mulhouse le vendredi 9 novembre à 20h et le dimanche 11 novembre à 15 h

Letonja et Braunschweig ressuscitent le chef d’oeuvre de Scherker

L’Opéra National du Rhin nous propose encore une fois une programmation digne de son renom avec Le Son Lointain (Der Ferne Klang) le chef d’œuvre de Scherker, malheureusement trop peu contenu et monté pour la première fois en France. La mise en scène démesurée aux accents surréalistes de Stéphane Braunschweig et la direction d’orchestre de Marko Letonja subliment cette partition. Quant à l’interprétation, il serait une litote de dire qu’Helena Juntunen n’est pas la moindre des sopranos de son temps. trans dans Spectacles musicaux

Le Son Lointain c’est le parcours de Fritz face au choix cornélien entre sa quête de perfection artistique et son amour pour Grete. Beaucoup, et notamment notre magistral chef d’orchestre Marko Letonja, s’accordent à dire qu’il s’agit d’une œuvre autobiographique. Créé à l’Opéra de Francfort le 18 août 1912, comme la plupart de œuvres de Scherker, cet opéra s’illustre par une composition à la fois musicale et textuelle, ce qui lui permet de pousser son élan romantique au paroxysme mais ne correspond pas forcément aux « critères » de son temps. Et pourtant, en écrivant lui-même ses livrets pour reprendre l’excellente formule de Michel Fleury, «  il a poussé jusqu’en ses extrêmes conséquences le concept d’art total fondé par Wagner ». Cette maîtrise absolue du propos lui autorise des prouesses orchestrales comme la superposition que l’on retrouvera ici dans l’acte II avec l’incursion d’un orchestre tzigane sur scène.

La mise en scène de Stéphane Braunschweig ouvre le premier acte devant le rideau, sur le proscenium, dispositif plutôt atypique qui met l’accent sur le caractère esseulé de Fritz, l’artiste romantique et torturé dans toute sa splendeur. Il lui faut partir pour ce mettre en quête de ce son lointain, fil conducteur de l’opéra, et il lui faut l’annoncer à Grete. L’intensité dramatique monte très vite, si le ténor Will Hartmann se révèlera plus tard, la voix sublime de la soprano Helena Juntunen explose dès les premières notes. On ressent le déchirement de Fritz à quitter ce visage d’ange et cette voix des cieux. Ce duo d’ouverture est déjà bouleversant.

La scène suivante propose une mise en abîme qui là encore sera une sorte de fil conducteur scénographique, avec un grand mur de briques gris et une petite porte au-dessus de laquelle on peut lire « oper » qui signifie opéra. Cette adaptation très moderne et ces décors monumentaux correspondent totalement aux mises en scène de Stéphane Braunschweig et on peut penser notamment à Brand d’Ibsen où le personnage esseulé se retrouvait dans l’infiniment grand. Grete seule, la sorcière apparaît à la porte, comme pour signifier le passage d’un monde à l’autre. Les costumes de Thibault Vancraenenbroeck accentuent les caractères des personnages. Et la sorcière apparaît ainsi sous les traits d’une authentique Cruella, cheveux gris en désordres et habits rouges et noirs.

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Le Son Lointain © Alain Kaiser

Le père (Martin Snell) et ses amis font leur entrée, ivres de retour de la taverne après une partie de quille dont la pauvre Grete fut l’enjeu à son insu. La mère austère (Teresa Erbe) est comme effacée. Le père a « vendu » sa fille au tavernier. Grete fait semblant d’accepter son sort pour essuyer les dettes de son père mais s’enfuie dans la forêt. Cette nature apparaît alors comme surréaliste, composée de quilles vertes géantes tandis que la dune est rouge, une vision que l’on pourrait apparenter à un tableau de Chirico. Grete est comme Alice au pays des merveilles dans sa petite robe blanche avec cette même inquiétude dans les yeux au cœur de cet univers hostile. Elle entend alors une musique rassurante puisse se laisse aller au sommeil. Fritz traverse la dune au loin errant toujours en quête de ce son lointain. La sorcière fait son entrée, elle va aider Grete dit-elle, à retrouver son amoureux. « Je serai si heureuse » s’enthousiasme alors la jeune femme et ainsi ce premier acte s’achève sur un air du plus grand romantisme lyrique.

L’acte II nous transporte radicalement ailleurs. La sorcière n’était autre qu’une mère maquerelle. La colline rougeoyante est devenue une île de perdition au large de Venise dont Gretel est la « favorite ». Le détail des colonnes comme des bâtons de sucre d’orge semblent évoquer les filles de joies comme des douceurs à croquer. Un orchestre tzigane est sur scène. Parmi les filles, Mizzi, un petit rôle, nous permet néanmoins de repérer le talent de la jeune soprano Kristina Bitenc. Cette ambiance de cabaret expressionniste est accentuée par la présence d’hommes inquiétants à tête de poisson. Le cauchemar de Grete est la scène phare de cet acte où s’illustre le mal-être de notre héroïne. Ses comparses s’animent, elles veulent que les hommes les divertissent. Grete, sublime devient Marilyn Monroe lorsqu’elle s’étend au milieu des hommes et propose son amour en récompense de la plus belle des histoires. La jeune fille perdue est devenue une femme sulfureuse. On remarque sur scène un élément perturbateur, un panier de poisson renversé. On sait le conte amoureux de Grete, son histoire n’est pas convaincante mais révèle un bel interprète en la personne du baryton Geert Smits. Grete ne peut succomber au charme du conte car il ressemble trop à Fritz. La véritable révélation de ce tableau c’est le jeune ténor Stanislas de Barbeyrac sous les traits du Chevalier qui entonne les petites fleuristes de Sorrente. Il eut gagner si n’était arrivé un candidat inattendu, autre que Fritz toujours en quête de ce son lointain et que son oreille a conduit jusqu’ici. L’étonnant décalage musical entre la musique tzigane sur scène et la partition qui se poursuit met à jour le talent de superposition de Franz Schreker. Nous assistons à la transformation de Fritz en héros romantique «  que m’importe le son… le coquin m’a dérobé ma vie, mon amour » (retrouver la citation exacte). Elle lui explique alors qui elle est. Soudainement, il lui jette les poissons à la figue et fuit. Grete désespérée décide d’accepter de suivre le comte.

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Le Son Lointain © Alain Kaiser

Au dernier acte, nous sommes de retour à a taverne qui jouxte l’Opéra ; La pièce de fritz se joue ce soir. Un comédien se plaint de n’avoir que des propositions dégradantes à un personnage qui ne nous ai pas inconnu, le docteur Vigelius interprété par l’excellent Stephen Owen. Ce dernier culpabilise d’avoir participé au « jeu » du père et pense à la pauvre Grete. Elle entre alors, défaite, bouleversée, elle s’est sentie mal durant la pièce. Abandonnée du comte, elle est devenue prostituée, elle est l’incarnation-même de la déchéance. Les commentaires sur l’opéra se font en parallèle : la fin  déçoit beaucoup les critiques. Fritz est averti de la présence de Grete et de son malaise. Il culpabilise enfin, mais il est malade… le temps lui est compté. Il lui faut retrouver l’amour de sa vie, il lui faut trouver une fin heureuse à son opéra. Nous ne vous dévoilerons pas l’issue que bien entendu vous redoutez. Sachez simplement qu’en cette dernière scène Fritz exulte enfin, superbe de chagrin. Ce personnage en quête d’absolu aura peut-être inspiré les cinéastes expressionnistes allemands comme le grand Fritz Lang avec M le Maudit… Ou peut-être Stéphane Braunschweig s’est-il inspiré de ce cinéma pour sa mise en scène ? Quoi qu’il en soit le résultat scénique et musical est plus qu’à la hauteur du génie de Schreker !

Angélique Lagarde

Opéra national du Rhin
19 Place Broglie
67000 Strasbourg
Réservations au 03 88 75 48 01

La Filature
20, allée Nathan-Katz
68090 Mulhouse cedex
Réservations au 03 89 36 28 29

Site internet de l’Opéra national du Rhin

 

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