La Mouette d’Anton Tchekhov – Mise en scène et adaptation d’Arthur Nauzyciel – Cour D’honneur du Palais des Papes Festival d’Avignon 2012 par Marie-Laure Atinault
Posté par angelique lagarde le 23 juillet 2012
La Mouette – Arthur Nauzyciel – © Christophe Raynaud de Lage – Festival d’Avignon
La Mouette
D’Anton Tchekhov
Mise en scène et adaptation d’Arthur Nauzyciel
Avec Marie-Sophie Ferdanne de la Comédie-Française, Xavier Gallais, Laurent Poitrenaux, Dominique Reymond, Vincent Garanger, Benoit Giros, Adèle Haenel, Mounir Margoum, Emmanuel Salinger, Catherine Vuillez et les musiciens Matt Elliott ainsi que Ruth Rosenthal et Xavier Klaine (Winter Family).
Création Cour D’honneur du Palais des Papes Festival d’Avignon 2012
Jusqu’au 28 juillet à 22h
Une Mouette Mazoutée
C’était le cœur content et confiant que nous allions voir cette Mouette. Confiant car nous avions aimé au festival 2011 Jan Karski (Mon nom est une fiction) mis en scène par Arthur Nauzyciel, content car nous allions voir de magnifiques comédiens, mais la magie n’est pas au rendez vous.
Le plateau de la Cour d’Honneur est recouvert d’un sable noir, un immense mur en biais, de l’autre côté une coupole au sol, ressemblant aux créatures de Moebius. Sur le mur est projeté Arrivée d’un train à la Ciotat de Louis Lumière (1897). La pièce commence par la mort de Tréplev, du moins nous le supposons, Xavier Gallais est comme terrassé sur cette étrange plage de sable noir. Un étrange défilé d’hommes et de femmes avec des têtes de Mouettes, ils ont les jambes noires, ils tournent, tournoient comme le font les oiseaux en bande avant de plonger. Sont-ils échappés d’un film de Georges Franju ? Ou des Vampires de Louis Feuillade ? Une Mouette échappée du ballet tragique vient nous dire « Je suis une Mouette » prenant le texte de Nina mais c’est Arkadina qui parle.
La Mouette est une pièce sur les attentes qui ne se réalisent jamais ou mal. Les protagonistes aiment tous quelqu’un qui en aime un autre. Frustrations, désirs inassouvis, ambitions aux ailes brisées. Dans le début de la pièce il y a cette attente juvénile de Tréplev qui va donner sa pièce. Il attend son interprète la belle Nina qu’il aime, il attend les réactions du public mais en réalité de sa mère, Arkadina, la grande comédienne. Tréplev a écrit un texte radical explorant une nouvelle forme théâtrale et poétique. Marie-Sophie Ferdanne (Nina) apparaît le long de la coupole au sol, vêtue comme une Musidora qui aurait rencontré Cat Woman. L’ombre portée sur la muraille du Palais des Papes est du plus bel effet. Toute l’attention de l’auditoire est fixée sur Nina. C’est plus que ne peut en supporter Arkadina, elle se moque et Tréplev, blessé au cœur et à l’orgueil arrête tout.
Plus tard, nous saurons que ce sable noir est en réalité les écrits de Tréplev, qu’il a brûlés. Tous les personnages marchent sur les cendres de leurs illusions. Les lumières de Scott Zielinski sculptent les volumes et sont du plus bel effet. La mise en scène d’Arthur Nauzyciel ne sera qu’un catalogue d’effets, d’images léchées et séduisantes esthétiquement ? On s’interroge également sur la direction d’acteur, il y a plusieurs Stradivarius sur scène pourquoi leur faire dire le texte avec ce ton ânonnant, ce ton volontairement détaché d’émotion ? Le problème est bien là, ce refus émotionnel est en contradiction avec le théâtre de Tchekhov. Combien de nous ont pleuré en entendant les arbres abattus dans La Cerisaie ? Combien de nous ont été révoltés par la dureté d’Arkadina. Ici la forme prime sur l’émotion, écrasant le texte. Comme des oiseaux qui agitent leurs ailes, s’ébrouent pour se sécher, certains comédiens abandonnent le ton préliminaire. Xavier Gallais est le premier à s’affranchir, pourquoi avoir mis une bosse dans la redingote de Tréplev ? Est-ce pour nous faire comprendre le poids maternel ? Laurent Poitrenaux, merveilleux Trigorine, véritable pivot de la pièce, prend son envol immédiatement.
Le public est mitigé, ceux qui connaissent la pièce trouvent que la représentation ne répond pas à leurs attentes, d’autres sont dubitatifs. Nous sommes partagés par ce spectacle car d’habitude, nous apprécions le travail d’Arthur Nauzyciel. Il a réunit une belle distribution, sans en profiter au maximum, on sent que certain comédiens sont entravés dans les filets d’une mise en scène trop intellectualisée, qui ne laissent pas la part aux émotions. Visuellement le spectacle est très beau, le ballet étrange est séduisant, mais les mouettes ne prennent jamais leur envol comme englués de ce magma noir, comme les oiseaux mazoutés. Le soir ou nous avons vu le spectacle un mistral féroce s’engouffrer dans la cour transperçant tout sur son passage. Peut-être que ce vent nous a empêcher d’adhérer à ce spectacle que nous attendions tant. Nous sommes repartis déçus et tristes.
Marie Laure Atinault
Festival d’Avignon
Cour d’honneur du Palais des papes
Place du Palais des papes
84000 Avignon
Réservations au 04 90 14 14 14
Site : www.festival-avignon.com