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Kat’a Kabanova – Opéra de Leoš Janáček – Direction musicale de Friedemann Layer – Mise en scène de Robert Carsen à l’Opéra du Rhin par Angélique Lagarde

Posté par angelique lagarde le 25 janvier 2012

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Kat’a Kabanova © Alain Kaiser

Kat’a Kabanova
Opéra en trois actes de Leoš Janáček
Livret du compositeur
Direction musicale de Friedemann Layer
Mise en scène de Robert Carsen
Reprise de la mise en scène par Maria Lamont
Décors et costumes de Patrick Kinmonth
Lumières de Robert Carsen, et Peter Van Praet
Chorégraphie de Philippe Giraudeau – Assistante à la Chorégraphie : Erika Rombaldoni
Assistant à la direction musicale : Thomas Michael Gribow
Avec Oleg Bryjak (Dikoï), Miroslav Dvorsky (Boris), Julia Juon (Kabanikha), Guy de Mey (Tikhon), Andrea Dankova (Kat’a), Enrico Casari (Koudriach), Anna Radziejewska (Varvara), Peter Longauer (Kouliguine), Nadia Bieber (Glacha), Yasmina Favre (Fiekloucha), Violeta Poleksic (une Femme)
Chœurs de l’Opéra National du Rhin
Orchestre symphonique de Mulhouse
A l’Opéra de Strasbourg jusqu’au 2 février
A la Filature de Mulhouse les 10 et 12 février

Ophélie des temps modernes

Kat’a Kabanova aurait pu être le tragico-romantique objet d’amour d’un dénommé Hamlet si elle ne fût née quatre siècles plus tard à ces temps modernes russes du commerce et de l’industrialisation grandissante gouvernés par l’argent et la morale. Leoš Janáček a composé ce chef d’œuvre d’après l’œuvre aux accents plus que tchékhoviens du dramaturge russe Alexandre Ostrovski, L’Orage. La mise en scène de Robert Carsen jouant sur l’ombre et la lumière accentue l’aspect manichéen du propos et transporte l’opéra dans un espace ineffable et aquatique qui engloutira la trop fragile Kat’a dans un chant de sirène.  

L’Opéra national du Rhin a programmé cette œuvre superbe dans le cadre du cycle Leoš Janáček que Robert Carsen a entamé la saison dernière avec L’affaire Makropoulos. Si certaines libertés nous ont étonné dans sa récente mise en scène de La Bohème, il a composé ici une œuvre scénographique qui sublime ce bijou du répertoire slave. Si l’on peut regretter le rétrécissement de l’aspect social qui explicite l’œuvre originelle, L’orage d’Alexandre Ostrovski qui se situe dans cette Russie de la fin du XIXème siècle, cette Kat’a Kabanova revêt toute sa force symbolique dans une esthétique d’une fluidité exemplaire entre jeux d’ombres et jeux d’eau.

La mise en scène de cet opéra par Robert Carsen en propose une vision à la fois théâtrale et chorégraphique. En ouverture, ce ne sont pas moins de vingt-quatre danseuses qui incarnent la folie, la détresse et la passion de Kat’a dans une chorégraphie de Philippe Giraudeau. Vêtues de blanc et se mouvant dans l’eau, tirant et glissant de petits radeaux de bois qui formeront les espaces de déambulation des personnages, elles sont déjà tragiques et déchirantes comme la musique qui offre ses premiers souffles dans une parfaite alchimie de violons et de cuivres. Saluons dès à présent le talent incontestable encore une fois de l’Orchestre symphonique de Mulhouse sous la direction ici de Friedemann Layer.

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Kat’a Kabanova © Alain Kaiser

Si l’eau est omniprésente c’est parce qu’elle l’est déjà dans L’Orage et ce dans toute sa symbolique de montée du désir qui bientôt va submerger et perdre les protagonistes. Deux personnages secondaires, Koudriach et Glacha, comme deux témoins, observent les mouvements de la Volga dont le flot annonce déjà une issue tragique. Tout à coup, ils sont perturbés par l’arrivée de Dikoï se chamaillant avec son neveu Boris, que nous comprenons vite être le futur amant de Kat’a. En effet, dès que son oncle est parti, il avoue d’une part ne plus supporter sa situation sociale de soumission à son aïeul et être amoureux d’une femme mariée. S’il a plus le physique d’un homme mûr que du jeune premier qu’on attendrait, le ténor Miroslav Dvorsky sait pourvoir à son rôle toute l’intensité nécessaire aux émotions qu’il est enclin à traverser. Il est l’heure de la sortie de l’église et nous allons enfin faire la connaissance de la famille Kobanova : Kabanikha, la mère, Varvara, la fille et Tikhon le fils, pâle mari d’une Kat’a désespérée. Kat’a revêt tous les archétypes de la « folle » du grenier hitchcockienne que sa belle-mère veut enfermer pour mieux soumettre et cacher à la vue de la société bien-pensante.

Par ordre dans la qualité de prestation des premiers tableaux, Tikhon apparaît malheureusement aussi mauvais comédien que mauvais mari et pour un ténor, peine à se faire entendre, mais peut-être Guy de Mey a-t-il été dirigé ainsi pour correspondre au rôle. Varvara, la jeune sœur qui va se faire l’entremetteuse entre Boris et Kat’a révèle Anna Radziejewska comme une excellente mezzo soprano, mais également une bonne actrice, dans une fraîcheur candide qui lui sied à merveille. Andrea Dankova dans le rôle-titre dévoile timidement son amour à sa confidente de belle-sœur mais ce n’est que pour annoncer la superbe prestation à venir de la soprano. Enfin Julia Juon, mezzo-soprano également, Kabanikha, la mère est tout simplement prodigieuse, charismatique et apporte à l’intrigue son intensité dramatique. Sous la pression de cette dernière, Tokhon va être contraint, au grand dam de Kat’a de partir pour Kazan, et déjà, on sait qu’elle va alors succomber aux avances de Boris.

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Kat’a Kabanova © Alain Kaiser

Le ténor Enrico Casari dans le rôle de Koudriach, l’amoureux de Varvara ouvre le deuxième acte par un air populaire russe très entraînant qui nous plonge véritablement dans cette atmosphère tchekhovienne entre communisme et avènement des chemins de fer. Il attend sa fiancée. Apercevant Boris, il tente de le mettre en garde contre ses sentiments envers Kat’a, mais il est déjà trop tard, elle arrive et très vite, les amants ne résistent à s’étreindre. Quand vient le moment de la séparation et bientôt de l’entracte, un magnifique jeu de contre jour transforme les protagonistes en ombres chinoises et demeure ainsi une belle image à notre esprit qui nous hâte de retrouver la salle au troisième acte.

Ce dernier acte marque véritablement l’apogée du spectacle avec la scène de l’aveu durant l’orage, scène clef de la pièce d’Ostrovsky au titre éponyme. Ce moment est une réussite sur tous les plans, une splendeur esthétique, dramatique, chorégraphique, vocale et musicale, bien entendu, avec  son envolée grandiose. Coups de tonnerre, cymbales, cuivres, harpes se mêlent au chant de la foule jusqu’à ce que le violoncelle exulte et que Kat’a s’effondre au pieds de son mari et cette petite société devenue matriarcale par la puissance de Kabanikha. Dans une véritable démesure, mais non pas hystérique, Andrea Dankova transcende la partition dans un solo de Kat’a qui marquera les esprits. S’ensuit la scène d’adieu entre Kat’a et Boris encore une fois dans un jeu d’ombre et lumière de toute beauté coupant symétriquement la passion pour jeter l’un dans l’exil et l’autre dans la rivière. Il faut saluer l’éclairagiste Peter Van Praet qui a divinement œuvré auprès de Robert Carsen pour cet opéra. Le choix d’un contraste prononcé renforce l’aspect manichéen du propos et le tragique de cette Ophélie des temps modernes que l’on retrouvera échouée tel son amour perdu et immoral. Le ballet aquatique des vingt-quatre silhouettes de Kat’a apparaît alors comme la démultiplication d’un destin aussi commun que tragique. Une œuvre totale à ne pas manquer !

Angélique Lagarde

Opéra national du Rhin
19 Place Broglie
67000 Strasbourg
Réservations au 03 88 75 48 01

La Filature
20, allée Nathan-Katz
68090 Mulhouse cedex
Réservations au 03 89 36 28 29

Site internet de l’Opéra national du Rhin

Les vingt-quatre danseuses : Eléna Ayala, Orianne Bernard, Anne-Céline Bossu, Macha Bunzli, Eugenia Carnevali, Yolande Cartier, Louise Crivellaro, Sonia Delbost- Henry, Hélène Deveze, Céline Fricker, Léa Sophia Helmstadter, Christelle Herrscher, Hélène Hoohs, Delphine Huré, Aleksandra Karzelek, Emilie Lamartina, Marie le Roy, Jenny Macquart, Caroline Pastor, Maryline Pastor, Clotilde Pratt, Anne Somot, Clémence Walle et Léna Yamamoto.

 

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