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Laurent Terzieff – Du visible à l’invisible par Irène Sadowska Guillon

Posté par angelique lagarde le 17 octobre 2011

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Laurent Terzieff
Du visible à l’invisible

Collection Les grandes heures
Radio France INA

Laurent Terzieff une vie dans et pour le théâtre

Laurent Terzieff, disparu le 2 juillet 2010, homme de théâtre, acteur et metteur en scène trois fois moliérisé, acteur de cinéma dirigé par les plus grands réalisateurs de Marcel Carné à Philippe Garrel et Jean-Luc Godard en passant par Buñuel, Pasolini et tant d’autres. Découvreur des auteurs, serviteur des poètes, perfectionniste, exigeant dans son art, Laurent Terzieff est entré dans le théâtre, comme on entre dans les ordres, avec ferveur, foi et passion infinie. Le coffret, à travers deux CD : fragments d’entretiens, des plus grands rôles, de vers de poètes, interprétés par Laurent Terzieff, rassemble quelques traces de sa vie vouée à l’art qui sont aussi la mémoire de plus de 60 dernières années de notre théâtre.

Dans sa lettre d’adieu émouvante et poétique qui ouvre le livret accompagnant le coffret CD, Marc Terzieff évoque « la course fantastique dans laquelle s’est inscrite l’aventure sous le soleil du spectacle » de son frère Laurent depuis ses premiers pas à 17 ans dans Tous contre tous d’Adamov pour se terminer à 75 ans par « lui contre les autres » en braquant sur ses autres l’arc dérisoires de Philoctète de Sophocle, son dernier rôle. « Et pour finir ta vie – dit-il – tu as lancé toi contre toi-même en choisissant dans L’habilleur, la dernière pièce que tu as mise en scène, le rôle d’un vieux comédien, ancienne gloire de théâtre, chef d’une troupe miteuse » lequel devant jouer le Roi Lear, paralysé par le trac et les trous de mémoire, rate son entrée en scène et subit un échec monumental. Il y avait dans ce choix le défi, le courage d’affronter la pire tragédie de l’acteur, sa mort au théâtre.

Le courage d’un acteur d’exception qui ne cherchait pas la gloire – elle est venue à lui – qui préférait un théâtre exigeant, éprouvant, refusant le succès facile, vulgaire, et « les impostures intellectuelles d’un certain théâtre de laboratoire ». La sincérité, le sens éthique étaient chez Laurent Terzieff tout aussi forts que sa passion de l’art à laquelle il s’est voué depuis sa première rencontre avec le théâtre, à 14 ans, dans La sonate des spectres de Strinberg mise en scène par Roger Blin, son premier mentor.

La belle adresse fraternelle de Marc Terzieff à son frère est suivie, dans le livret, d’une biographie de Laurent Terzieff, d’une liste des pièces dans lesquelles il a joué et qu’il a mis en scène, de sa filmographie et de ses rôles à la télévision. Les deux CD retracent le parcours de Laurent Terzieff en en dégageant les diverses voies à travers ses rencontres, ses complicités artistiques avec des metteurs en scène, des auteurs, sa passion de la poésie. La plupart du temps, la parole est donnée à Terzieff lui-même, évoquant dans divers entretiens son adolescence, la révélation du théâtre, ses premiers pas sur scène, ses débuts au cinéma.

Sans souci d’un ordre chronologique ou thématique strict Terzieff revisite au gré de ses souvenirs épars des instants de sa vie intime, ses rencontres et son travail avec Roger Blin, Jean-Marie Villégier, Jean-Marie Serreau, Jean-Louis Barrault… au théâtre, Buñuel, Pasolini, Rossellini, Autant-Lara, Godard au cinéma. Il parle de ses choix d’acteur et de metteur en scène, tournés presque exclusivement vers des auteurs contemporains, explique son intérêt particulier pour des auteurs anglo-saxons et de l’Europe de l’Est, Albee, Harwood, O’Neill, Friel, Shisgal, Mrozek, Milosz… dont il a fait découvrir de nombreuses œuvres en France. Si le cinéma l’a rendu mondialement célèbre, le théâtre était toujours pour lui un lieu d’ancrage et la poésie la substance vitale, l’énergie de ressourcement.

Les extraits des entretiens sont ponctués par des fragments d’enregistrements de poèmes de Rilke, de Seghers, dit par Laurent Terzieff, de ses plus grands rôles (Cebes dans Tête d’Or, Hamlet) et de courts morceaux de musique de Ravel et de Haendel. Le coffret n’est ni un hommage ni un recueil de documents et de témoignages mais plutôt une sorte de flânerie, de conversation à bâtons rompus, avec un artiste qui retraverse sa vie inscrite profondément dans l’histoire du théâtre mais aussi du cinéma contemporain. Une figure lumineuse dont la franchise, la liberté de parole, l’indépendance des chapelles, la modestie et le dévouement à l’art, sont aujourd’hui, à l’époque du consensus et du suivisme triomphants, plus que jamais exemplaires.

Irène Sadowska Guillon

Laurent Terzieff
Du visible à l’invisible

Coffret 2 CD
Collection Les grandes heures Radio France INA

 

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