Faust de Charles Gounod avec Roberto Alagna à l’Opéra Bastille par Marie-Laure Atinault
Posté par angelique lagarde le 30 septembre 2011
Inva Mula (Marguerite) et Roberto Alagna (Faust) © Opéra national de Paris/ Charles Duprat
Faust
Opéra en cinq actes (1859)
Musique de Charles Gounod (1818-1893)
Livret de Jules Barbier et Michel Carré
Direction musicale Alain Altinoglu, mise en scène de Jean-Louis Martinoty
Avec Roberto Alagna, Paul Gay, Inva Mula, Tassis Christoyannis, Angélique Noldus, Marie-Ange Todorovitch et Alexandre Duhamel.
A l’Opéra Bastille jusqu’au 25 octobre
Et pour Alagna toute la salle de l’Opéra Bastille a les yeux de Marguerite !
Méphisto a-t-il jeté un sort sur cette nouvelle production de Faust ??? Des bruits de coulisses faisaient état de dissensions entre le chef d’orchestre Alain Lombard et ses interprètes, jusqu’à la rupture. Le maestro ayant remisé sa baguette, est remplacé par Alain Altinoglu. Et voilà que le soir de cette première tant attendue, un préavis de grève concernant la réforme du régime des retraites de l’Opéra de Paris, contraint la direction à présenter Faust en version concert. Une version concert imposée, peut-être frustrante pour les artistes, le metteur en scène et tous les artisans qui ont travaillé sur une production d’envergure, et pour le public. Finalement les spectateurs qui ont décidé de rester, puisque l’Opéra proposait soit le remboursement, soit pour ceux qui restaient une réduction sur d’autres opéras furent amplement récompensés. Les courageux ont passé une soirée exceptionnelle de celle dont on pourra dire « j’y étais », et nous y étions !
Le chœur tout de noir vêtu est assis sur scène. Roberto Alagna apparaît, et toute la salle a pour lui les yeux de Marguerite ! Une présence charismatique, où qu’il soit, on ne peut détacher le regard de sa silhouette. Version concert, certes, mais Alagna est un comédien dans l’âme et il virevolte sur scène, jouant avec le chœur. Ses partenaires ne sont pas de reste Paul Gay (Méphistophélès) joue le jeu et la délicieuse Inva Mula chante l’air des bijoux en jouant la scène, trouvant des artifices pour pallier au manque de décor.
La version concert permet de mieux mesurer la difficulté de la partition de Marguerite, qui enchaîne au troisième acte, scène VI, La chanson du Roi de Thulé et l’air des bijoux, deux airs qui sont d’émotions diamétralement opposées, sa technique, son infinie délicatesse, porte le personnage de cette pauvre Marguerite qui va basculer dans la folie. Inva Mula, merveilleuse dans le rôle-titre de Mireille l’an passé à une familiarité avec le phrasé musical si identifiable de Gounod. Mais finalement quelle œuvre étonnante. Gounod n’hésite pas à utiliser les chœurs parfois pour deux répliques, et donnant toute l’ampleur des cuivres pour le célébrissime Chœur des soldats, Gloire immortelle de nos aïeux, pompeux et admirable.
Roberto Alagna (Faust), Inva Mula (Marguerite) et Paul Gay (Méphistophélès) © Opéra national de Paris/ Charles Duprat
L’orchestre, magnifiquement dirigé par Alain Altinoglu, est toute en finesse. Il confirme le travail orchestral de Gounod, qui donne toute son ampleur à l’orchestre en appuyant les changements de climat et annonce les personnages. Les motifs mélodiques sont ici particulièrement bien orchestrés. Dans le quatuor du jardin (Acte III) chaque personnage garde sa ligne mélodique, Faust et Marguerite forment le duo d’amoureux tandis que Méphistophélès et Dame Marthe (excellente Marie-Ange Todorovitch) forment un duo comique étonnant. Certes le Faust de Gounod est loin de celui de Goethe, plus philosophique, mais cet opéra est l’un des plus populaires. Il fait partie de ce patrimoine français, on connaît tous un air, une chanson de Faust, la fameuse valse que certain sont surpris de trouver de cette œuvre, est dans tous les cœurs. Opéra populaire si il en est, à l’instar de Carmen, la littérature et le théâtre très tôt s’en emparerons, brocardant ses succès tel Anges purs Anges radieux par Feydeau dans Monsieur Chasse.
Ayant vu seulement la version concert nous ne vous parlerons ni des décors, ni des costumes et encore moins de la mise en scène de Jean-Louis Martinoty. Bien sûr certaines scènes pâtissent de la version concert comme la nuit de Walpurgis. Nous ne pourrons pas vous dire si Marguerite avaient de longues tresses blondes, si Faust avait l’épée au coté et si Méphisto avait une plume au chapeau. Mais depuis la mise en scène historique et qui avait fait scandale de Jorge Lavelli, il était temps de donner une autre vision de cette œuvre qui n’a pas encore dévoilé tous ses secrets. En revanche, nous pouvons vous dire que Roberto Alagna nous a enflammé par son sens aigu du plateau, par ses dons de comédiens, Faust est l’un de ses rôles fétiches et il le sublime, le voir est un privilège et un plaisir.
Marie- Laure Atinault
Le 10 Octobre France 3 diffusera Faust en léger différé , à ne pas rater !
Le programme de Faust est un ouvrage formidable, richement illustré et qui vous dévoilera certains secrets sur les différentes versions de Faust et ses aléas scéniques.
Opéra Bastille
Place de la Bastille
75012 Paris
Réservations au 08 92 89 90 90