Didon et Enée de Henry Purcell – Mise en scène de Lilo Baur à l’Opéra de Dijon par Marie-Laure Atinaut
Posté par angelique lagarde le 24 mai 2011
Didon et Enée © Gilles Abegg
Didon et Enée (Dido and Aeneas)
De Henry Purcell (1659-1695)
Livret Nahum Tate
Mise en scène de Lilo Baur
Orchestre Dijon-Bourgogne, ensemble régional associé Chœur de l’Opéra de Dijon-Grand théâtre
Direction musicale : Jonathan Cohen
Collaboration artistique : Emmanuelle Haïm
Assistante à la mise en scène et mouvement : Claudia de Serpa Soares
Jeunes chanteurs de l’Académie de l’Opéra de Dijon, en collaboration avec les musiciens du Concert d’Astrée
A l’Opéra de Dijon du jeudi 19 mai au mardi 24 mai
Une reine, un prince et une fée
Didon reine de Carthage est tombée amoureuse du valeureux guerrier de Troie, Enée. Elle l’aime, il l’aime. Mais que faire contre le destin ? Henry Purcell le grand compositeur baroque anglais a trouvé les accents de la malheureuse Didon. L’opéra fait peur pour de mauvaises raisons, cette production dynamique mise en scène par Lilo Baur, dirigée avec grâce par Jonathan Cohen est un condensé d’émotion qui ravira les aficionados et convertira les réticents.
Un petit rappel historique et mythologique s’impose. Le jeune Henry Purcell a trente ans lorsqu’il compose Dido and Aenas, en 1689. Le livret de Nahum Tate s’inspire (de loin) du Livre IV de L’Enéide de Virgile. Enée, fils d’Aphrodite et d’Anchise fait partie de la famille régnante de Troie, il est l’un des valeureux guerriers qui affrontent les Grecs. Il conduit les survivants vers l’Italie. Des vents contraires le conduisent sur les rivages de Carthage où il tombe amoureux de la reine, la belle Didon mais ces amoureux princiers sont des êtres de devoir. Enée est partagé entre l’obéissance aux Dieux et son amour. Il est prêt à renoncer à son destin en restant à Carthage. Didon se sacrifie pour que son amant reprenne la mer et accomplisse sa destinée.
Cet opéra est important dans l’histoire de la musique anglaise, il marque un tournant dans le style et la composition. Henry Purcell s’inspire de Monteverdi et de Lully. L’œuvre est concise, le compositeur trouve le livret de Tate assez pauvre, et choisit de ne pas tout orchestrer. L’originalité de l’Opéra tient déjà dans sa durée, avec le prologue, il dure une heure vingt. L’accent est mis sur l’expression intense des sentiments et le lamento de Didon est un sommet. Didon et Enée est l’un des chefs d’œuvre du classicisme musical européen. A sa création, l’opéra est joué loin des scènes traditionnelles de Londres mais au collège de jeunes filles, le Chelsea Boarding School for Young ladies and gentlewoman of Josias Priest. Il est à signaler que l’opéra d’Henry Purcell est contemporain de l’Esther de Racine.
Lilo Baur a gardé une part d’enfance et c’est pour cela que ses mises en scène sont toujours des moments ludiques parsemées, de pied de nez, de clins d’œil, et avec elle tout semble facile tellement évident. Cette liberté, elle l’obtient grâce à sa méthode faite d’improvisations lors des répétitions et de rigueur avec un soucis du détail qui nourrit et enrichit ses spectacles. Pour sa première mise en scène musicale où il faut partager avec le chef d’orchestre, Lilo Baur s’est appuyée sur le tempo de l’œuvre.
Le siècle de Purcell est celui des effets scéniques, des trucages. L’acte avec les sorcières ne doit rien à Virgile mais tout à Nahum Tate, donne matière à des effets, dont on ne sait absolument rien. D’ailleurs elle a tenu à ce que le bruit du tonnerre soit un tonnerre de théâtre où le bruit métallique de la tôle froissée bien reconnaissable. Nous avons l’impression de feuilleter un livre d’image avec des ombres chinoises, des dessins laissant libre cours à la fantaisie. La flottille d’Enée est suggérée par le jeu des choristes très actifs manoeuvrant des cordages invisibles, ce qui est dans la logique des choses puisque Lilo Baur est une magicienne.
Les chanteurs se sont sentis portés par cette mise en scène et la soprano Andrea Hill interprétant Didon selon la méthode de Lilo Baur a su trouver dans le lamento des accents qui ont ému la salle. Belinda est interprétée par la très belle chanteuse Susan Gilmour Bailey au timbre si particulier et Enée, par George Humphreys à la mâle assurance. Il est loin le temps où les chanteurs étaient des potiches autour desquelles les figurants bougeaient. Lilo Baur est véritablement une fée, l’expression musicale et le jeu dramatique tiennent une salle conquise par tant de talent.
Marie- Laure Atinault
Opéra de Dijon
11, boulevard de Verdun
21000 Dijon
Réservations au 03 80 48 82 60