Pina dansez, dansez, sinon nous sommes perdus le film de Wim Wenders sur Pina Bausch par Irène Sadowska Guillon
Posté par angelique lagarde le 31 mars 2011
Pina dansez, dansez, sinon nous sommes perdus
Un film de Wim Wenders en 3 D
Production Gian Piero Ringel
Neue road movies
Avec le Tanztheater Wuppertal – Pina Bausch
Sortie dans les salles en France le 6 avril 2011
Un cinéma pour incarner la danse
Pina, dansez, dansez, sinon nous sommes perdus de Wim Wenders, premier film européen en 3 D et le premier film d’auteur en 3 D, est à la fois une prouesse technique et artistique. Plus qu’un hommage à cette artiste unique dont l’art de saisir l’humain nous transperçait d’émotion, dans son film Wim Wenders retrouve avec les danseurs du Tanztheater de Wuppertal l’esprit même, cette flamme magique, créatrice que Pina Bausch savait porter à l’incandescence dans ses créations.
En souvenir des liens privilégiés tissés depuis 1978 entre Tanztheater de Wuppertal et le Théâtre de la Ville qui a accueilli la plupart des créations de Pina, Wim Wenders a réservé la primeur de son film, projeté en avant-première, à cette salle où la dame de Wuppertal jusqu’en 2009 venait retrouver chaque saison son public. Un film qui va au cœur et nous rend Pina vivante au cœur de son travail, de son œuvre.
L’enfance passée dans le café-hôtel tenu par ses parents à Solingen, l’atmosphère où la musique se mêle aux conversations des gens qui passent, l’expérience précoce de la guerre, du sentiment d’un danger invisible, imminent, laisseront des traces indélébiles chez Filipina Bausch (née en 1940) et nourriront ses futures créations chorégraphiques. A 14 ans, elle commence sa formation de danseuse et crée en 1969 sa première chorégraphie dont le titre Dans le vent de l’époque, indique déjà l’esprit de son futur travail.
En 1972 on lui confie la direction du Ballet de Wuppertal qu’elle rebaptisera Tanztheater et avec lequel elle créera en 1974 Iphigénie en Tauride. Repérée par Thomas Erdos, Pina Bausch est invitée, la saison 1978 / 1979, au Théâtre de la Ville avec Les sept péchés capitaux et Barbe Bleue. Elle y reviendra désormais chaque année avec ses nouveaux et anciens spectacles dont Café Müller, Bandonéon, Ahnen, Nelken, Palermo Palermo, Danzon, Nur Du, etc… Vollmond et Mazurca Fogo seront les derniers qu’elle y présente en 2009 avant de nous quitter le 30 juin 2009.
En 1985 Wim Wenders a vu pour la première fois une pièce de Pina Bausch Café Müller, ce fut un coup de foudre. De la rencontre des deux artistes naît le projet d’un film dont la réalisation sera remise sans cesse, jusqu’à ce que Wim Wenders ne trouve en 2007 une forme adéquate, en 3 D numérique, pour transposer dans l’espace l’art de Pina Bausch. Le noyau du film doit s’articuler autour de quatre pièces que Pina choisit dans son répertoire : Café Müller, Le sacre du printemps, Vollmond, Kontakthof, en les mettant dans le programme de sa saison 2009 / 2010. La production entamée au début de 2009 s’interrompt avec la mort de Pina Bausch.
En reprenant le travail plusieurs mois plus tard Wim Wenders transpose dans le film la méthode des questions que Pina Bausch utilisait pour créer ses pièces, en demandant aux danseurs de la troupe de formuler leurs souvenirs et le rapport que chacun d’eux avait à Pina, à travers des soli filmés dans divers endroits de Wuppertal. Ainsi, à côté des extraits des quatre pièces choisies par Pina Bausch et de quelques documents d’archives très peu connus la montrant au travail, intégrés dans le film en 3 D, ces soli offrent un complément polyphonique aux pièces très composées de la chorégraphe.
Wim Wenders restitue ainsi, depuis le regard de Pina, l’artiste vivante, saisie de l’intérieur dans l’univers même de sa création et dans ses rapports à chacun de ses danseurs. Avec un art incomparable, Wim Wenders restitue l’éphémère, le mouvement, l’expression furtive, tissant dans le film les extraits d’œuvres accomplies, les images rares de répétitions, les souvenirs et les retours des danseurs sur l’esprit du travail d’une extrême exigence de Pina, sur cette complicité créatrice qu’elle avait avec chacun d’eux. De sorte que sa présence est presque tangible dans le film, émouvante, bouleversante parfois, quand par exemple on la voit danser.
Au-delà de l’exploit technologique d’insuffler la vie à l’image, de lui conférer une réalité spatiale, le chef d’œuvre de Wim Wenders nous offre la possibilité et le bonheur de replonger dans un ici et maintenant au cœur de l’univers de cette immense artiste qu’était Pina Bausch.
Irène Sadowska Guillon