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Molières 2010 – Retour sur la grande fête du Théâtre par Angélique Lagarde

Posté par angelique lagarde le 26 avril 2010

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Le sacre des grands et deux belles révélations

La 24ème nuit des Molières s’est tenue hier soir à la Maison des Arts et de la Culture de Créteil animée par Michel Drucker et Marie Drucker et présidée par Line Renaud, la comédienne « aux sourires d’enfant et aux larmes de femme ». La grande fête du Théâtre célébra dignement l’illustre comédien Laurent Terzieff et la dernière épopée du Théâtre du Soleil d’Ariane Mnouchkine. Si certaines victoires ont pu surprendre voire décevoir, indéniablement les Molières des Révélations à Alice Belaïdi et Guillaume Galienne apparurent comme de belles récompenses. Revivons ensemble cette soirée dédiée à Monsieur Poquelin !

Une initiative est prise pour égayer cette soirée et notamment la rendre plus attrayante aux yeux des téléspectateurs : le lever de rideau ! Jean-luc Moreau met en scène pour l’occasion Feu la mère de Madame de Feydeau avec Emmanuelle Devos, Patrick Chesnais, Christine Murillo et Sébastien Thiéry. L’alliance de comédiens dont le talent n’est certes plus à prouver, mais aux registres difficilement compatibles ne crée malheureusement pas l’alchimie et le rythme manque cruellement ! L’arrivée majestueuse de Line Renaud en Présidente d’honneur relève avec éclat ce début de cérémonie.

L’immense Laurent Terzieff reçoit le Molière du Comédien pour L’Habilleur et Philoctète. Une fois n’est pas coutume, il est donc récompensé pour une pièce du Théâtre Privé et l’autre du Théâtre Public. Ses quelques mots offrent un modèle de sincérité : « Je renouvelle mon admiration et ma reconnaissance envers Christian Schiaretti et toute l’équipe du TNP et je pense affectueusement à toute ma troupe du spectacle (qu’il nomme un à un) et à vous tous, je dis un très grand merci », un très humble remerciement digne du grand monsieur de théâtre qu’il est ! Plus que favori, à l’unisson, la rédaction de Kourandart le souhaitait à nouveau vainqueur pour son incontestable talent. Il marque un coup double puisqu’il remontera sur scène asseoir son triomphe avec le Molière du Théâtre Privé pour L’Habilleur.

Le Molière de la Comédienne dans un Second Rôle est attribué à Claire Nadeau pour La Serva Amorosa, qui ne cache pas sa surprise et ne trouve les mots. Elle salue le comédien Robert Hirsch, Catherine Bluwal pour ses décors et sur l’insistance de Michel Drucker, sa fille Zoé Bruno, présente à la cérémonie, à qui elle donne la réplique dans la mise en scène de Chritophe Lidon. Si notre faveur allait plutôt à Isabelle Sadoyan ou Josiane Stoleru, cette récompense n’est pas la plus étonnante.

Le Molière de la pièce comique était probablement un des plus délicats à attribuer. En digne héritier de son père, Eric Métayer a su transformer le suspense en rire et l’a emporté avec Les 39 marches (à l’affiche au Théâtre La Bruyère) sous  la  chaleureuse et sincère approbation de l’assistance. Nous applaudissons cette victoire de bon cœur puisqu’au sein même de la rédaction, nous ne pouvions trancher entre la verve séduisante d’Edouard Baer dans Miam Miam, la plus drôle des questions posée par Patrick Haudecoeur dans Thé à la menthe ou t’es citron ? (à l’affiche au Théâtre Fontaine), la tranche d’Histoire drôle de Mission Florimont (à l’affiche au Théâtre Michel) et ce Hitchcock revisité et finalement récompensé.

Michel Galabru monte alors sur scène pour un bel hommage à Jean Anouilh. Il nous amuse de son âge avancé : « J’ai joué une pièce de Montherlant… devant Montherlant (pour les plus jeunes, académicien français décédé en 1972 ), j’ai été l’élève de Louis Jouvet ». Et il a, bien entendu, été mis en scène par Jean Anouilh et nous raconte une anecdote croustillante où lors d’une répétition, il a cloué le bec au jeune Jean-Pierre Marielle « doté d’un humour désespéré et très lucide » . Il termine sur la lettre de son maître qui lui confie qu’il voudrait  « une révolution technique et économique qui nous oblige à faire du théâtre » et c’est un tonnerre d’applaudissements.

Le Molière du Comédien dans un Second Rôle récompense Henri Courseaux dans La Nuit des Rois. On ne peut nier que Xavier Gallais, favori de la rédaction pour son rôle dans Ordet, aurait probablement été moins drôle dans l’anecdote de « la Rolex » : « Grâce à vous j’ai réussi la première partie de ma vie avec un Molière de second rôle à 66 ans ! C’est normal, pour le premier, je pense qu’il faut attendre 10 ans de plus… L’obtention du Molière est une longue lutte contre l’arthrose ».

Nous n’avons pu masquer notre enthousiasme à l’annonce de la remise du Molière de la Révélation théâtrale féminine à Alice Belaïdi pour Confidences à Allah. Elle avait reçu l’an passé le prix du syndicat de la critique qui avait eu le nez fin… Si cette victoire nous a ravis, nous étions tout de même partagés entre Mélanie Laurent dans Promenade de santé, adorable au côté de Jérôme Kirscher et Andrea Bescond, remarquable dans Les 39 marches.

Alors que nous avions du mal à nous départager entre le fabuleux travail plastique de Philippe Quesne pour La Mélancolie des Dragons et le génie d’Eric Soyer, encore une fois évident dans Cercles/Fictions, le Molière du Décorateur- Scénographe est attribué, et ce pour la deuxième année consécutive, à Catherine Bluwal pour La Serva Amorosa. En 2009, ce fut pour Le Diable Rouge. Elle remercie bien entendu Christophe Lidon, le metteur en scène des spectacles pour lesquels elle fut nommée et deux fois lauréate, ces trois dernières années.

Le Molière du Spectacle jeune public fut remis en amont par Robin Renucci au Théâtre La Grande Ours à Villeneuve lès Maguelone à Marie-Aude Murail, Catherine Verlaguet et Olivier Letellier pour Oh Boy ! . Si nous n’avions pas d’objection, nous aurions peut-être apprécié le choix moins consensuel de la proposition marionnétique de la grande Ilka Schonbein dans Faim de loup d’après les frères Grimm.

Un court intermède nous propose un extrait de Cocorico de Patrice Thibaud qui partage la scène avec Philippe Leygnac, à l’affiche à Chaillot en décembre 2009. Peu convaincant, il permet néanmoins une petite respiration.

Jean-Paul Farré et Jean-Claude Cotillard de la Compagnie des Claviers reçoivent le Molière du Théâtre Musical pour Les Douze Pianos d’Hercule (repris au Petit Hebertot à partir du 1er juin). Nous étions partagés entre ce spectacle et celui  de Virginie Lemoine, mais il faut avouer que si elle avait été récompensée nous n’aurions pas eu droit au menuet composé expressément pour la cérémonie et au tacle audacieux de Monsieur Farré au Ministère : « C’est un paradoxe parce que la profession me récompense pour un spectacle en solitaire alors que le Ministère de la Culture a pris le chemin inverse en décidant de ne plus subventionner mes recherches sur le spectacle musical ».

Le Molière du Créateur Costumes fut attribué à Nathalie Thomas, Marie-Hélène Bouvet et Annie Tran pour Les Naufragés du Fol Espoir. Nous sommes ravis de cette première récompense pour le Théâtre du Soleil qui, encore une fois, nous a éblouis. Rappelons qu’Ariane Mnouchkine avait refusé d’être présente et surtout d’être nommée pour le  Molière du Metteur en scène mais elle avait permis à la troupe de représenter ce travail collectif.

Comme à l’accoutumée, avec la permission des maîtres de cérémonie, un artistese fait le porte-parole des intermittents. Ce soir, c’est le comédien Nicolas Bouchaud qui prend le micro :

« Monsieur le Ministre, Mesdames, Messieurs, le spectacle vivant est en plein essor sur les scènes des théâtres publics et privés en France, le public nombreux, participe à cette effervescence, cependant, après les différentes réformes de l’assurance chômage qui ont mis à mal les droits sociaux des intermittents, des mesures vont frapper brutalement notre secteur et démanteler l’essentiel du travail accompli par la décentralisation. Premièrement, la réforme des collectivités territoriales et la suppression de la taxe professionnelle vont empêcher les départements et les régions de subventionner les secteurs de la culture. Cette diminution sans précédent entraînera la disparition de nombreux festivals, lieux de spectacles et compagnies, à Paris et en province. Deuxièmement, la Révision Générale des Politiques Publiques affaiblit le Ministère de la Culture et va ruiner partiellement la politique culturelle intérieure et extérieure de la France. Troisièmement, et c’est une nouveauté, le Ministère des Finances veut retirer 30 millions d’euros au seul secteur de la création en 2011. Hier, trop d’intermittents, aujourd’hui trop de compagnies, demain trop de Théâtre ! Nous devons réagir face au danger qui menace la création, et par conséquent, l’accès des publics à la richesse artistique de notre pays. Les organisations professionnelles, le Syndeac, CGT Culture et le Syndicat National des Scènes Publiques demandent le maintien de la compétence culturelle pour les départements et les régions, un plan de relance, notamment en faveur de l’Education Artistique et la pérennisation du système d’assurance chômage des artistes et des techniciens. Le scénario déjà écrit pour les hôpitaux, la poste, l’école sera rejoué pour la culture. Les moyens d’assurer le service public sont refusés (…). Une journée d’action avec les artistes, les membres du personnel et les spectateurs aura lieu à Paris et dans toutes les régions le 6 mai prochain. Merci beaucoup à tous ».

A la surprise générale, le Ministre de la Culture, Frédéric Mitterand, lui fournit une réponse qui en laisse plus d’un perplexe au vu des huées qu’il obtient en retour : « Je tiens à préciser que je ne suis absolument pas d’accord avec ce qui vient d’être dit,  je tiens à préciser que ceux qui le savent, le savent et que d’autre part, ma porte est toujours ouverte ».

Sans transition, Michel Drucker coupe court en annonçant la remise du Molière du metteur en scène à Alain Françon pour La Cerisaie. Il adresse un hommage à Jean-Paul Roussillon, « un immense acteur et un homme remarquable » et salue l’équipe du Théâtre de la Colline dont il a été directeur pendant 12 ans.

Elégamment, la ronde des hommages se lance ensuite sur la chanson de Jean Ferrat « Tu aurais pu vivre ». On se  souvient notamment des disparitions de l’immense comédien Sotigui Kouyaté applaudi à moult reprises dans les mises en scène de Peter Brook, de l’inénarrable Roger Pierre, des magistraux Roger Planchon et Georges Wilson, de Macha Béranger la voix des nuits de France Inter, du fabuleux Pierre Vaneck, d’Alain Crombecque, l’un des directeurs du Festival In d’Avignon et du beaucoup trop jeune Jocelyn Quivrin.

Eric Assous reçoit le Molière de l’Auteur Francophone Vivant pour L’Illusion Conjugale, récompense qu’il faut avouer nous aurions préféré voir remettre à Joël Pommerat, mais nous sommes vite consolés puisqu’il obtient le Molière des compagnies pour notre immense plaisir ! C’est Eric Soyer, son scénographe et éclairagiste de génie qui prend la parole et propose joliment de le découper pour en offrir un copeau à chaque membre de la compagnie. Il décrit magnifiquement la magie du théâtre comme une « matière vivante qui se transforme».

Jean-Claude Dreyfus nominé pour le Molière du comédien propose un second intermède avec un texte de Raymond Devos sur  le plus beau métier du monde, celui de comédien et n’est pas sans nous rappeler avec ironie que « la mer est houleuse et la planche est pourrie » mais que malgré tout « le spectacle continue» !

Le Molière de l’adapateur à Gérald Sibleyras est la seconde récompense pour Les 39 marches et ne fait que rappeler l’intelligence du texte, même si notre faveur allait à Huguette Hatem pour La Grande Magie (Comédie Française). En écho à la subtilité des mots et du jeu, nous est ensuite proposé un bel hommage filmé à Jean-Louis Barrault.

Avec le Molière de la comédienne, Dominique Blanc reçoit un beau cadeau d’anniversaire qu’elle dédie à Laurent Terzieff  en lui acclamant : « c’est pour des gens comme vous qu’on choisit de faire ce métier ! ».

Gaëlle de Malglaive est récompensée du Molière du Créateur Lumière pour La Nuit des Rois et nous sommes touchés par son hommage respectueux à Jacques Rouverolis même si, il est peut-être inutile de le souligner, nous le souhaitions à Eric Soyer et Jean-Gabriel Valot pour Cercles / Fictions.

Guillaume Galienne pour notre plus grand bonheur reçoit le Molière de la Révélation Masculine pour Les garçons et Guillaume, à table ! .

Le Molière du Théâtre Public est remis, comme semblaient le souhaiter conjointement le public et la profession, notre rédaction incluse, bien entendu, au Théâtre du Soleil pour Les Naufragés du Fol Espoir. La troupe adresse à l’assemblée un message plein d’ironie et de bon sens: « Nous remercions l’école (…) le désengagement de la politique actuelle, ceux qui ne viennent pas mais payent leurs impôts et la solidarité abandonnée par le pouvoir » .

Au sortir de la salle, nous avons pu apercevoir un panel d’artistes et d’émotions chatoyant :  Mélanie Laurent, radieuse, Anouk Grimberg, tout en préciosité, Dominique Blanc, la classe incarnée en toute simplicité, Edouard Baer qui portait cette charmante désinvolture qui lui va si bien tandis que l’attachant Guillaume Gallienne était encore paré d’émotion et qu’Annie Duperey, certes pas nommée pour Colombe, s’est montrée la plus belle des Shéhérazade. Pour clore cette belle fête du Théâtre, élégance, intelligence et humour se sont donc mêlés autour d’un fastueux buffet… Dieu, pardon, Molière, quelle ivresse !

Angélique Lagarde

Récapitulatif des Lauréats :

Molière du Théâtre Public

Les Naufragés du Fol Espoir, Hélène Cixous, Ariane Mnouchkine / Ariane Mnouchkine -Théâtre du Soleil

Molière du Théâtre Privé

L’Habilleur, Ronald Harwood / Laurent Terzieff – Théâtre Rive Gauche

Molière des Compagnies

Cercles / Fictions, Joël Pommerat – Compagnie Louis Brouillard

Molière de la pièce comique

Les 39 marches, John Buchan, Alfred Hitchcock / Eric Métayer – Théâtre La Bruyère

Molière du Théâtre Musical

Les Douze Pianos d’Hercule – Jean-Paul Farré / Jean-Claude Cotillard – Cie des Claviers

Molière du Comédien

Laurent Terzieff dans l’Habilleur et Philoctète

Molière de la Comédienne

Dominique Blanc dans La Douleur

Molière du Comédien dans un Second Rôle

Henri Courseaux dans La Nuit des Rois

Molière de la Comédienne dans un Second Rôle

Claire Nadeau dans La Serva Amorosa

Molière de la Révélation théâtrale féminine

Alice Belaïdi dans Confidences à Allah

Molière de la Révélation théâtrale masculine

Guillaume Gallienne dans Les garçons et Guillaume, à table!

Molière du Metteur en Scène

Alain Françon pour La Cerisaie

Molière de l’Auteur Francophone Vivant

Eric Assous pour L’Illusion Conjugale

Molière de l’Adaptateur

Gérald Sibleyras pour Les 39 marches

Molière du Créateur Costumes

Nathalie Thomas / Marie-Hélène Bouvet / Annie Tran pour Les Naufragés du Fol Espoir

Molière du Créateur Lumière

Gaëlle de Malglaive pour La Nuit des Rois

Molière du Décorateur – Scénographe

Catherine Bluwal pour La Serva Amorosa

Molière du Spectacle jeune public

Oh Boy ! Marie-Aude Murail, Catherine Verlaguet / Olivier Letellier

 

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