Bernard Azimuth – Rencontre en coulisses par Angélique Lagarde
Posté par angelique lagarde le 23 février 2010
Le Woody Allen de l’interjection
Bernard Azimuth, un nom pareil ne peut qu’évoquer un adepte du calembour! Toujours à l’affiche avec son spectacle Ah! au Café de la Gare à Paris et un peu partout en France en tournée, il accepte de nous accorder quelques instants en coulisses pour nous dévoiler ses petits secrets de fabrication…
KourandArt : Dans chacun de vos spectacles, que ce soit AH! ou Des équilibres, le précédent, vous sortez des sentiers battus de l’actualité et de la politique, pour prendre le chemin du quotidien et des jeux de mots… Qu’est-ce qui a motivé le choix de cette formule humoristique?
Bernard Azimuth : En fait, je crois que je serais absolument incapable de faire autre chose, parler de l’actualité, je n’y arrive pas, je préfère le vécu. Je pense, par exemple, au texte que j’ai écrit sur le type que je prends pour quelqu’un qui pourrait me ressembler de dos dans Des équilibres. C’est quelque chose qui m’est arrivé, j’ai croisé cet homme qui avait le même imperméable que moi et la même carrure de dos et je me suis dit que peut-être, il me ressemblait aussi de face. Fort heureusement, ça n’a pas été jusqu’à l’extrême, ça ne m’a pas conduit à Sainte-Anne comme mon personnage!
KA : Cet homme ultra angoissé à l’allure de Woody Allen, c’est une auto-caricature?
BA : Maintenant que vous le dites, oui, en effet (rires) ! « C’est fini, je ne bois plus » est un bon modèle de caricature. C’est un sketch assez vieux qui date du moment où j’ai déménagé dans le même immeuble, du 1er au 18ème étage. J’habitais en face d’une église et j’avais l’impression angoissante de me rapprocher des cieux et donc l’anecdote de cet homme ivre qui parle à Dieu est partie de ça…
KA : Pourquoi avez-vous fait le choix du one-man-show?
BA : Je crois que je voulais faire ce métier depuis toujours. Je me suis donc dit assez vite que je devrais prendre des cours d’art dramatique et donc je suis parti, un peu malgré moi, vers le théâtre, mais en y prenant tout de même beaucoup de plaisir, notamment grâce à l’école de Jacques Lecoq qui a créé le LEM, Laboratoire d’Etude du Mouvement. C’est une école où l’on ne nous enseigne pas les stéréotypes du Théâtre, mais où l’on apprend à se découvrir soi-même, à être et à exister dans sa folie.
KA : Avez-vous eu un maître dans cette école qui a su vous transmettre son savoir?
BA : Absolument, j’en ai eu plusieurs, mais je mentionnerai particulièrement Philippe Gaulier. On travaillait en improvisation avec lui. L’objectif était de se laisser aller et de se laisser porter par son imaginaire. De cette façon, on n’a pas le droit de penser à ce qu’on va faire et c’est comme ça qu’on découvre tout un univers qui est le sien, très riche et authentique.
KA : Quand on découvre votre imaginaire, on pense à des artistes comme Desproges et Devos. Avant d’entrer à l’école Lecoq, avez-vous été inspiré par cette génération d’humoristes?
BA : En effet, quand j’étais petit, c’était l’époque de Fernand Raynaud, Raymond Devos et Guy Bedos, même si lui était plus sur le registre de la caricature que du jeu de mots. Pourtant non, je crois que c’est vraiment Jacques Lecoq qui m’a donné cette envie de me libérer de la fantaisie que j’ai en moi. Donc je n’ai pas vraiment de maître, mais vous évoquiez Woody Allen et effectivement, c’est quelqu’un dont je me sens assez proche, ça m’est familier, mais comme pourraient l’être Laurel et Hardy. Pour le côté fantasque, je peux même penser à Hergé pour la démence d’un personnage comme Asterix…
KA : Un événement déclencheur a-t-il suscité cette vocation?
BA : Peut-être que je pourrais parler de personne plutôt que d’événement déclencheur, un père aimant, mais pas très aimable et très autoritaire. Quand je sortais de la maison, je m’exprimais, j’explosais… J’imitais mon père, ma mère, ou mes sœurs et très tôt, on m’ont dit que je devrais faire des spectacles parce que c’était vraiment drôle! C’est tout simplement venu comme ça et d’ailleurs, heureusement que j’ai développé cette faculté de faire rire, parce que sinon, je ne sais pas ce que j’aurais pu faire dans la vie!
KA : Aujourd’hui, avez-vous des affinités particulières dans ce métier? On penserait notamment à François Rollin ou encore Vincent Rocca, vous êtes un peu dans la même veine…
BA : Ah non, je n’ai pas d’amis moi (rires). J’apprécie énormément Pierre Diot, c’est original ce qu’il propose, il ne copie pas, on ne sent pas que c’est pris à droite, à gauche, ça vient uniquement de lui. J’aime bien Vincent Rocca, il est dans une véritable fantaisie du verbe, on sent le plaisir qu’il a d’écrire avec les mots. Je me sens peut-être plus d’accointances avec François Rollin, plus caractériel, qui développe plus sa folie…
KA : Quelle est l’origine de ce nom de scène, Bernard Azimuth?
BA : Alors c’est complètement par hasard, quand je l’ai pris, je ne savais même pas qu’autrefois « azimuté » se disait pour celui qui a perdu la raison. C’était chez Lecoq, à l’époque où l’on s’essayait au clown et qu’il fallait se trouver un nom, c’est sorti tout seul et c’est resté! Et finalement, c’est un nom qui me va très bien. Ce qui est amusant, c’est quand c’est un vrai nom comme Thierry Leluron, et ça c’est étonnant!
KA : Et pour ce qui est des titres de spectacles, pourquoi Des équilibres?
Des équilibres, je suis content de ce titre, je l’aime bien, parce qu’il évoque plusieurs équilibres qui font le déséquilibre et je trouve ça sympathique comme jeu de mot. Ça me plait bien parce que la vie est faite de ça, la marche, par exemple, c’est aussi un équilibre puis un déséquilibre, j’aime bien l’idée que ce soit comme ça qu’on avance. C’est un peu prétentieux mais j’aime bien, c’est mon côté Woody Allen qui se confirme (rires).
KA : Et AH!?
AH! est plutôt né d’une boutade. Souvent, il me faut trouver le titre pour écrire. Et donc, c’est parti du programme d’Avignon Off qui référence les spectacles par nom. Alors évidemment, si le spectacle c’est Woyzeck de Büchner, le temps que les gens y arrivent, c’est long (rires). Je voulais appeler le spectacle « Ah ah, ah, ah, ah », et donc, j’ai demandé leurs avis à mes amis du vendredi soir que j’évoque au début de la pièce et qui existent vraiment. L’un deux Patrick Corentin, alias « crapule », a même réalisé l’affiche et donc ça l’embêtait pour le format alors il m’a proposé juste AH!.
KA : Le sketch le plus époustouflant dans AH! c’est celui du serrurier dans lequel vous fabriquez une histoire tout à fait intelligible avec des mots de votre invention…
BA : Il m’a donné du fil à retordre ce sketch! Au début je prenais toujours le même mot, « screbeduc », mais ça ne fonctionnait pas. Donc je n’ai pas arrêté de changer, puis un jour, il n’y avait pas grand monde dans la salle alors je me suis dit que j’allais plutôt tenter d’inventer pour chaque concept un mot différent et ça a très bien fonctionné! Peu à peu, les mêmes expressions revenaient et aujourd’hui, un vrai texte existe!
KA : Quelle serait selon vous la qualité nécessaire à un comédien?
BA : La sincérité! C’est absolument indispensable quand on pratique ce métier en solo. Il faut faire abstraction de tout ça et surtout, être entier! Je suis un transmetteur, d’images, de sensations, d’émotions et donc je dois vivre les mots.
KA : Que peut-on vous souhaiter pour finir, de continuer à prendre de plus en plus de plaisir sur scène?
BA : Absolument! Tout va bien… Il faut que je trouve le temps d’écrire un nouveau spectacle, enfin d’abord un titre, je l’ai peut-être mais je n’en dirai pas plus…
KA : AH! AH ! la suite?
BA : C’est une bonne idée ça!
Propos recueillis par Angélique Lagarde
Lire un condensé de cette interview sur www.artistikrezo.com
Bernard Azimuth dans AH! le troisième lundi de chaque mois au Café de la Gare à 19h, et un peu partout en France en tournée, renseignements sur son site www.bernardazimuth.com
Café de la Gare
41, rue du Temple
75004 PARIS
Métro Hôtel de Ville
Réservations : 01 42 78 52 51